De la première expérience à la sensation de manque, voici comment les substances psychoactives comme le tabac, l’alcool ou le cannabis perturbent le fonctionnement du cerveau…
2ème partie : De la récompense à l'addiction
Comme la prise d’un produit psychoactif entraîne une libération accrue de dopamine, la sensation globale perçue diffère puissamment de ce qu’on ressent avec les plaisirs habituels. Tout cela a été enregistré en mémoire ainsi que l’environnement (le lieu, les personnes présentes, la musique ambiante…) dans lequel l’événement s’est déroulé ; le souvenir est le plus souvent de type positif et renforçant, c’est-à-dire incitant à recommencer.
Comment réagissent les différents individus suite à cette expérience, à cette sensation bouleversante ?
Chez la majorité des expérimentateurs, qu’ils soient garçons ou filles, l’ampleur des sensations ressenties, bien que très plaisantes, va conduire à la prudence. “Qu’est-ce que c’est ce truc qui me fait partir si loin ? Qu’est ce qui pourrait m’arriver ? C’est incroyable mais…. il faut que je me méfie…..” L’expérimentateur a pris conscience de « l’anormalité » du frisson et donc ne répétera pas l’expérience ou seulement occasionnellement. Il résistera à « l’appel » du produit, au « wanting », dont il a gardé les effets en mémoire, il saura tempérer l’impulsivité qui le pousse à consommer. Parce que l’une des clefs du comportement addictif, c’est l’impulsivité, ce mode de fonctionnement qui fait qu’on ne réfléchit pas ou peu avant de prendre une décision!
Du point de vue neurobiologique le circuit de l’impulsivité est inscrit en partie dans celui de la récompense. L’excitation part du noyau accumbens et active le thalamus, elle est dite bottom-up (du bas vers le haut); cette activation est contrôlée, inhibée, par des signaux provenant du cortex pré-frontal, sur un mode top-down (du haut vers le bas). Toute stimulation excessive de l’excitation et toute défaillance du système de contrôle va favoriser l’impulsivité.
Chez une minorité de personnes, la consommation va se répéter fréquemment. C’est souvent observé chez celles d’une nature impulsive ainsi que chez celles ayant une personnalité facilement influençable.
La répétition des prises conduit à un conditionnement : tout stimulus qui a été renforcé et amplifié par l’apport d’une récompense sera inévitablement associé à une envie puissante du produit. Ainsi, être avec un groupe avec lequel on a fumé ou bu, être dans un lieu associé à la substance (café, boîte de nuit….), être en présence d’objets ayant été associés aux drogues, entendre une musique associée à une soirée de défonce, peut déclencher un besoin irrésistible de consommer. Il s’agit d’un apprentissage par association qui va s’inscrire profondément et durablement dans les circuits cérébraux.
La prise répétée de produit suractive la voie D1, augmente le « wanting » et excite l’impulsivité. La répétition de ces excitations va aboutir à une diffusion du signal vers un autre circuit proche, celui de la compulsivité. En effet les zones cérébrales qui sont les sièges de la récompense, de l’impulsivité et de la compulsivité sont très proches. La façon dont cette contamination survient n’est pas encore connue mais on pense qu’elle s’opère par l’intermédiaire d’une cascade de modifications autorisées par la plasticité des neurones. L’impulsivité vis-à-vis des produits va alors se doubler d’un comportement compulsif.
La compulsivité est définie par la persistance d’actions ou de comportements inappropriés malgré leurs effets indésirables. En clair on continue l’action même si on a un signal de retour disant qu’il y a danger. On a totalement perdu le contrôle de soi. En pratique, on boit verre après verre, on fume cigarette après cigarette, on tire sans cesse sur des joints, sans aucune limite. Et pourtant on n’en tire plus de plaisir, l’effet récompense a disparu. Il faut que la soirée se termine ou qu’on perde connaissance pour arrêter de consommer.
Les circuits de l’impulsivité et de la compulsivité ont pour support les mêmes neurotransmetteurs. La prise répétée de produit entraîne donc à la fois à une surexcitation de type bottom-up et une défaillance du contrôle top-down. Toute situation qui rappelle le produit déclenche le besoin auquel il est difficile de résister car la capacité de réflexion est altérée et la satisfaction immédiate est privilégiée en raison de l’impulsivité. Ensuite la prise du produit se répète en raison de la compulsivité et de la perte de contrôle. Au total c’est une frénésie de consommation sans plus aucun frein.
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Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm
El Mestikawy
DR1 CNRS - Chef d’équipe : Systèmes glutamatergiques normaux et pathologiques
Laboratoire Neuroscience Paris Seine NPS, INSERM U1130, CNRS UMR8246, Université Pierre et Marie Curie UM119
Site: http://www.ibps.upmc.fr/fr/Recherche/umr-8246/systemes-glutamatergiques-...
Professeur McGill University (Canada)
http://douglas.research.mcgill.ca
http://ici.radio-canada.ca/audio-video/media-7419277/le-gene-de-la-toxic...