Ces produits qui imitent le cannabis : les cannabinoïdes de synthèse

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Ces produits qui imitent le cannabis : les cannabinoïdes de synthèse

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Les cannabinoïdes de synthèse (CS) représentent le plus grand groupe de substances psycho-actives actuellement surveillées en Europe et plus de 60 % des saisies des drogues selon le rapport de l’Observatoire Européen des Drogues et de la Toxicomanie en 2016. Découvrez ce qui se cache derrière ces produits ...

Publié le: 
28/04/2017

Avertissement : tous les produits mentionnés dans cet article ont été récemment classés comme stupéfiant par les autorités sanitaires.

Cette catégorie de substances psychoactives occupe une place importante parmi les 98 nouveaux produits de synthèse (NPS) détectés pour la première fois en 2015 et notifiés dans le système d’alerte précoce de l’Union Européenne.

Origine et fabrication

Les CS ont été détectés sur le marché des drogues au début des années 2000. La plupart sont fabriqués par des entreprises chimiques situées en Asie (Chine, Corée du Sud) et sont présentés sous la forme de poudre. Les CS sont souvent présentés sous forme de mélange à fumer. La préparation consiste à dissoudre quelques dizaines de milligrammes de CS grâce à un solvant industriel comme l’acétone ou le  méthanol, puis de les mélanger ou les pulvériser sur des matériaux végétaux. Le mélange est ensuite séché et emballé. Le damiana (plante médicinale connue pour augmenter l’activité sexuelle), la mélisse, la menthe et le thym sont couramment utilisés comme base végétale pour la préparation des mélanges à fumer. D’autres présentations de CS, imitant la résine de cannabis ou incorporés dans des cartouches de liquide pour cigarettes électroniques, ont aussi été répertoriées.

Un peu de chimie

Les CS doivent leurs noms aux initiales des scientifiques les ayant en premier synthétisés, c.a.d. fabriqués par réaction chimique : JWH pour John W. Huffman ; AM pour Alexandros Makriyannis ; CP pour Carl Pfizer. Les composés HU correspondent aux travaux faits dans l’Université Hébraïque de Jérusalem.

Ils sont divisés en 7 groupes structuraux principaux :

  • cyclohexylphénols (par exemple, CP 47,497 et ses homologues)
  • cannabinoïdes classiques (par exemple, HU-210)
  • naphthoylindoles (par exemple JWH-018)
  • naphthylméthylindoles
  • naphthoylpyrroles
  • naphthylméthylindènes
  • phénylacétylindoles (par exemple, JWH-250)

Plus récemment les noms ont été dérivés des initiales de leur composition chimique. Par exemple,

  • APICA est le nom du dérivé N-(1-Adamantyl)-1-Pentyl-1H-Indole-3-CArboxamide ;
  • CHMINACA pour N-[[1-(CycloHexylMethyl)-1H-INdazol-3-yl]CArbonyl]-3-Methyl-L-valine).

En 2016, l'Office européen des drogues et toxicomanies (OEDT) a décidé d'harmoniser ces dénominations en arrangeant la composition des CS désignés : groupe de liaison – liaison – noyau - queue, modifiant ainsi certaines d'entre elles. Par exemple, N-(1-carbamoyl-2-methyl-propyl)-1-[(4-fluorophenyl)methyl] indazole-3-carboxamide initialement AB-FUBINACA est devenu MABO-FUBINACA.

Les effets sur le cerveau

Les CS agissent en activant les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2. La majorité des CS se lient très facilement et fortement aux récepteurs CB1 et CB2, bien plus que le Δ9-tetrahydrocannabinol (Δ9-THC), principe actif du cannabis ; ils ont donc des effets plus prononcés. Les divers CS ont un fonctionnement similaire au Δ9-THC mais ne contiennent pas de cannabidiol, composé présent à concentration variable dans le cannabis qui posséderait un potentiel neuroprotecteur.

Effets comparés des cannabinoïdes de synthèse et du THC

Les principaux effets psychoactifs sont comparables à ceux provoqués  par le Δ9-THC : euphorie, désinhibition sociale (rire, paroles, …), sédation, hyperesthésie (accentuation de la sensibilité des organes des sens), distorsions perceptives et temporelles, hallucinations, repli social. L’anxiété est un effet secondaire très fréquemment rapporté. Les signes physiques objectifs sont une hyperhémie conjonctivale, c’est-à-dire  les yeux rouges, un appétit augmenté, une sécheresse buccale, une tachycardie ou accélération du rythme cardiaque, une hypertension artérielle. Ces effets surviennent en une dizaine de minutes et se résorbent en près de 6 heures.

La consommation régulière de CS peut modifier les fonctions cognitives avec une altération de la mémoire, l’attention, l’apprentissage et la planification. La survenue d’une addiction caractérisée par le développement d’une tolérance, d’une consommation compulsive, l’abandon d’activités sociales et l’existence d’un craving (= envie irrépressible de consommer) est démontrée. Par contre on dispose de peu d’informations sur les conséquences d’un arrêt brutal d’une consommation chronique de CS, c’est-à-dire sur la fréquence et la sévérité des signes accompagnant le sevrage.

Conséquences psychiatriques et autres risques

Les CS sont plus fortement associés que le cannabis au déclenchement de troubles psychologiques ou psychiatriques. Cela est probablement dû au fait que les CS se lient  plus puissamment et plus fortement que le Δ9-THC aux récepteurs cannabinoïdes.  

Les symptômes vont de l’hyperactivité, l’agitation, l’irritabilité, l’anxiété, ou, à l’inverse, des symptômes dépressifs, jusqu’à des problèmes plus graves comme des épisodes maniaques, la paranoïa, des idéations suicidaires, des attaques de panique. L’effet pro-psychotique est plus élevée, aussi les sujets les plus sensibles aux effets des CS sont les patients psychotiques stabilisés qui risquent d’éprouver une résurgence ou une exacerbation des symptômes psychotiques avec survenue de délires et d’éléments dissociatifs.

Un autre groupe de personnes sensibles sont celles « vulnérables », c’est-à-dire présentant une « prédisposition », sans pour autant la connaître, à développer une psychose. Ils ressentiront plus facilement des troubles délirants et pourront être l’objet d’épisodes psychotiques brefs.  

Conséquences de la consommation de cannabinoÏdes de synthèse

D’autres conséquences graves doivent être signalées, parmi lesquelles des intoxications non mortelles et un certain nombre de décès. En 2014, une intoxication mortelle a été décrite en relation avec la consommation d'ADB-PINACA. En Russie, la même année, MDMB-FUBINACA a été associé à plus de 600 intoxications, dont 15 mortelles, sur une période de deux semaines. En 2015, des décès en lien avec la consommation d'ADB-FUBINACA, de 5F-AMB et de XLR-11 ont été rapportés. MDMB-CHMICA est responsable de 13 morts et de 23 intoxications non mortelles. Plus de 200 cas d’admission aux urgences de personnes ayant consommé du « Mocarz » ont été signalés en Pologne en 2015.

Comme pour toutes les substances illicites, l’absence d’étiquetage des produits est un risque en soi pour les consommateurs.

Auteur(s): 
Laurent

Karila

Professeur de Psychiatrie / Addictologie, Hôpital Paul-Brousse

Psychiatre, DESC d’addictologie ;

Praticien hospitalier à temps plein, responsable de l’activité ambulatoire et du Centre Référence cocaïne et drogues psychostimulantes, Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions – Hôpital Paul Brousse, AP-HP, Villejuif - Université Paris Saclay
Membre de la Fédération Française d’Addictologie

Twitter : @laurentkarila

Geneviève

Lafaye

Psychiatre addictologue, Hôpital Paul-Brousse

Praticien Hospitalier, Psychiatre Addictologue.

Centre d’Enseignement, de Recherche et de Traitement des Addictions, Hôpital Universitaire Paul Brousse, Groupe Hospitalier Paris-Sud, AP-HP ; Université Paris Sud ; INSERM U1000

Amine

Benyamina

Professeur de psychiatrie et addictologie, APHP, Université Paris-Sud

Professeur des Universités, Praticien hospitalier.

Centre d’Enseignement, de Recherche et de Traitement des Addictions, Hôpital Universitaire Paul Brousse, Groupe Hospitalier Paris-Sud, AP-HP ; Université Paris Sud ; INSERM U1000

Flore

Avram

Etudiante à l'Ecole Estienne

Flore a 22 ans et est étudiante en DSAA Design d'Illustration Scientifique à l'Ecole Estienne à Paris.

Son site : http://floreavram.tumblr.com/

Alix

Thiebault

Etudiante à l'Ecole Estienne

Alix a 23 ans et est étudiante en DSAA Design d'Illustration Scientifique à l'Ecole Estienne à Paris.

Timon

Ducos

Etudiant à l'Ecole Estienne

Timon a 21 ans et est étudiant en DSAA Design d'Illustration Scientifique à l'Ecole Estienne à Paris.

Son site : http://timonducos.tumblr.com/

 
Les cannabinoïdes de synthèse sont présentées sous forme de poudre, liquide pulvérisé sur des végétaux ou imitation de résine.
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