La chicha, c’est comme la cigarette ?

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La chicha, c’est comme la cigarette ?

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Derrière les parfums sucrés et agréables de la chicha, on oublierait presque ce qui se cache dans sa fumée : voici tout ce qu’il y a à savoir sur sa consommation, avec ou sans tabac.

Publié le: 
15/12/2016
Fumer à la mode orientale

Les bars à chicha se sont multipliés ces dernières années, offrant la possibilité de fumer du tabac à la mode orientale. Cette mode ne date pas d’hier : la chicha, encore appelée hookah ou narguilé ou shisha, est très présente dans les séries des années 60 comme Ma sorcière bien aimée ou La Famille Addams.

C’est aussi l’accessoire d’une certaine chenille bleue qui porte autant de paires de babouches qu’elle a de pattes dans Alice au pays des Merveilles, la première version animée produite par Walt Disney en 1951. La chenille fume sans discontinuer même lorsqu’elle parle avec Alice et récite un poème étrange qui pousse à se demander ce que peut bien contenir son tabac...

La chicha est une pipe à eau dans laquelle on fume le « maassel », mélange de copeaux de tabac, de glycérol et divers additifs, parfumé par des senteurs variées de fruit, de sucre, voire de certaines boissons. Comme le maassel ne peut brûler par lui-même, des morceaux de charbon sont placés dans le foyer au-dessus du maassel avec une feuille d’aluminium perforée comme séparation. En conséquence, pendant une session de chicha on absorbe au moins autant de charbon que de maassel.

La composition de la fumée provenant d’une chicha est moins bien connue que celle de la cigarette car peu de chercheurs s’y sont intéressés jusqu’à présent. Comme la chicha est à la mode, les connaissances devraient rapidement progresser. Environ 300 composants ont été identifiés à ce jour et particulièrement ceux qui provoquent des atteintes organiques chez les fumeurs.

Alors fumer la chicha, qu’est-ce que cela change par rapport à fumer une cigarette traditionnelle ?

 

Cigarette vs Chicha : ce que disent les études

Plusieurs travaux ont mesuré la quantité de composants inhalés pendant une session de chicha en comparaison à une cigarette. Pour cela on utilise des « machines à fumer » qui sont censées reproduire le comportement des fumeurs. Une cigarette se fume en moyenne en 15 bouffées espacées en moyenne de 28 secondes, le volume de fumée de chaque inhalation est estimé à 43 ml. Une session de chicha dure environ 1 heure. L’observation en temps réel de fumeurs de chicha au Moyen-Orient a permis de calibrer la machine à fumer correspondante : 171 bouffées de 530 mL espacées de 17 secondes.

L’inhalation d’une bouffée de chicha correspond donc approximativement à fumer une cigarette entière !

En conséquence, les quantités de toxiques inhalés au cours d’une session vont être considérablement majorées. Par exemple, le taux de goudron sera multiplié par 10, celui d’oxyde de carbone (CO) par 15 à 20, celui de benzopyrène, substance cancérogène avérée, par un facteur d’environ 10. En ce qui concerne la nicotine, son inhalation sera multipliée par 3. Ces coefficients multiplicateurs peuvent varier selon la composition du maassel, la quantité de charbon et la façon dont on fume.

Selon les toxiques, une session de chicha revient donc à fumer entre 10 et 20 cigarettes, pour une quantité de nicotine correspondant à 3 cigarettes !

Plusieurs enquêtes ont montré que fumer du tabac avec la chicha ne protège pas contre la dépendance à la nicotine. Des fumeurs de chicha décrivent, tout comme les fumeurs de cigarette, les symptômes de la dépendance à la nicotine comme le craving, la tolérance et le manque.

Et pour la chicha sans tabac ? Et la chicha électrique ?

Fumer une chicha sans tabac, en remplaçant le tabac par de la mélasse ou des pierres aromatisées, permet d’éviter l’inhalation de nicotine donc la survenue de la dépendance, par contre les composants toxiques restent présents dans la fumée et toujours à haute dose.

Pas de quoi rassurer Alice à qui la chenille souffle ses larges volutes de fumée ...

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
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