Neurotransmetteurs et substances psychoactives 5 : Dopamine

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Neurotransmetteurs et substances psychoactives 5 : Dopamine

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Un dossier pour comprendre la transmission des informations dans le cerveau et l'impact des drogues sur ce mécanisme. Dans ce 5e chapitre, nous nous intéressons aux récepteurs de la dopamine !

Publié le: 
03/12/2020
Rappel : les règles du jeu

MAP - le cerveau

MAP - Le neurone

Lexique

La molécule dopamine

La dopamine est un neurotransmetteur présent dans le cerveau et dans le système nerveux du tube digestif. Elle est synthétisée à partir d’un acide aminé, la tyrosine. Un acide aminé est une molécule entrant dans la composition des protéines. La tyrosine est majoritairement produite dans le tube digestif mais on la trouve aussi dans les aliments, notamment dans certains fruits (banane, abricot…),  légumes (poivron, poireaux, épinard..) et légumineuses (lentille, haricot sec, fève…).

Synthèse de la dopamineAprès synthèse, la dopamine est stockée dans des vésicules pré-synaptiques.

Libération au passage du potentiel d'actionUne fois libérée, elle se fixe sur les récepteurs post-synaptiques.

Recapture de la dopamineLa majorité de cette dopamine est ensuite capturée par un transporteur situé dans la membrane pré-synaptique et qui la réintègre dans les vésicules.

Dans le cerveau, la dopamine emprunte plusieurs voies dont 3 sont particulièrement importantes :

Voies dopaminergiques

  • La voie méso-limbique qui part de l’aire tegmentale ventrale et innerve plusieurs structures du système de récompense dont le noyau accumbens. 
  • La voie méso-corticale qui part également de l’aire tegmentale ventrale mais aboutit au cortex préfrontal. 
  • La troisième est la voie nigro-striée qui va de la substance noire au striatum.  

Les neurones à dopamine jouent un rôle majeur dans les processus de motivation, de mémorisation et de récompense mais aussi dans le contrôle moteur.

Les pathologies en rapport avec des troubles de fonctionnement des voies dopaminergiques sont nombreuses. La plus connue est la maladie de Parkinson, caractérisée par des difficultés de mouvements, une rigidité musculaire et des tremblements de repos, conséquence d’une dégénérescence des neurones de la voie nigro-striée. Les principales autres maladies psychiatriques et neurologiques faisant intervenir des perturbations des voies dopaminergiques sont la schizophrénie, le déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité et le syndrome de Gilles de la Tourette, caractérisé par des tics involontaires.

Récepteur de la dopamine

Il existe 5 types de récepteurs à la dopamine regroupés en deux classes différentes, les D1 et les D2. Néanmoins, tous partagent la même structure : une longue chaîne d’acides aminés traversant 7 fois la membrane du neurone.

Récepteurs dopaminergiques D1 et D2Les récepteurs D1 sont localisés exclusivement en post-synaptique alors que les D2 peuvent être localisés en post-synaptique et en pré-synaptique.

Récepteurs D2 pré-synaptiques régulateursDans ce dernier cas, ils ont un rôle de régulation en diminuant la libération de dopamine lorsque sa concentration dans la fente synaptique est trop élevée.

Protéine GLes récepteurs de la dopamine sont couplés à une protéine, dite protéine G. 
La stimulation des récepteurs D1 par la dopamine entraîne, via la protéine G, la formation d’un second messager. Celui-ci active une enzyme qui modifie les propriétés de plusieurs protéines du neurone. Ainsi la dopamine exerce de multiples effets sur les neurones cibles comme la facilitation de fonctions synaptiques ou l’expression de certains gènes.

Réduction du second message en D2A l’inverse, un des effets des récepteurs D2 est de diminuer la production du second messager. 
Globalement, la stimulation des récepteurs D1 exerce un effet facilitateur de l’activité des neurones cibles, alors que la stimulation des récepteurs D2 a un effet inhibiteur. Comme les récepteurs D1 et D2 sont le plus souvent situés sur des neurones différents, la dopamine exerce une activité modulatrice très fine en ajustant l’équilibre de l’activité de ces différentes populations de neurones du striatum. 

Effets des drogues

Alcool
L’alcool et les autres drogues comme le cannabis, la nicotine et l’héroïne entraînent la libération de dopamine en agissant indirectement sur les neurones à dopamine. Ces drogues qui ont des mécanismes d’action différents, augmentent l’activité des neurones dopaminergiques, notamment pour certaines d’entre elles en diminuant le frein inhibiteur (lié aux neurones gabaergiques) qui s’exercent normalement sur eux.
Alcool - interneurone GABA - Dopamine

Cocaïne
Seules la cocaïne et l’amphétamine ont un effet direct sur le système de libération de la dopamine dans la fente synaptique. Toutes deux agissent sur le transporteur chargé de capturer la dopamine pour la réintroduire à l’intérieur du neurone pré-synaptique. La cocaïne le bloque, ce qui entraîne une augmentation massive de la dopamine dans la fente synaptique puisque ce transporteur recycle environ 80% de la dopamine libérée.
La cocaïne bloque la recapture de dopamine

Amphétamine
L’amphétamine, elle, inverse le fonctionnement du transporteur qui permet la capture de la dopamine. La dopamine du neurone pré-synaptique est alors massivement libérée dans la fente synaptique.
Les conséquences de la cocaïne et de l’amphétamine sont les mêmes : elles amplifient la stimulation des récepteurs post-synaptiques par la dopamine.
L'amphétamine inverse le transporteur à dopamine

Rôle dans l'addiction

La connaissance de la régulation de l’activité des neurones dopaminergiques a fait de grands progrès. Notamment leur activité augmente lors d’une récompense non prévue (par exemple un aliment sucré, ou chez l’humain un gain monétaire inattendu…). On peut dire qu’ils sont activés par les « bonnes surprises ». Plus techniquement on dit qu’ils codent les erreurs de prédiction de récompense. Ainsi la dopamine, qui a notamment des effets sur certains mécanismes d’apprentissage, favorise la répétition des conduites qui amènent à sa libération. Les drogues addictives partagent toutes la propriété d’augmenter chimiquement la concentration de dopamine. On pense que cela joue un rôle essentiel au début de l’addiction. En quelque sorte le cerveau interprète ce signal comme une « bonne surprise » et tend à répéter la conduite qui l’a entraînée, donc la prise de drogue. Dans le cas des récompenses naturelles, lorsqu'on mange par exemple, il existe des mécanismes de régulation qui font que les apprentissages qui en découlent restent bien contrôlés. Entre autres, leurs effets sur l’activation des neurones dopaminergiques s’estompent avec la répétition. 
Dans le cas des drogues en revanche, aucun mécanisme de contrôle ne vient atténuer leurs effets chimiques sur la dopamine. Les « apprentissages » qui en découlent deviennent excessifs et contribuent à l’évolution vers l’addiction ou la dépendance.
 

Auteur(s): 
Jean-Antoine

Girault

MD, PhD, Directeur de recherches Inserm

Jean-Antoine Girault, MD, PhD, Directeur de recherches Inserm, Institut du Fer à Moulin, UMR-S1270 INSERM et Sorbonne Université

Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

Illustrateur(s): 
Mathilde

Luxey

Illustratrice scientifique, ancienne étudiante à l’École Estienne

Mathilde Luxey est directrice artistique, graphiste et illustratrice scientifique.

C'est une ancienne étudiante du DSAA Design d’Illustration Scientifique de l’École Estienne.

Son site : https://www.mathildeluxey.fr/