Un dossier pour comprendre la transmission des informations dans le cerveau et l’impact des drogues sur ce mécanisme. Dans ce 7e chapitre, nous nous intéressons aux récepteurs des opioïdes
Les opioïdes endogènes sont des molécules qui agissent comme neurotransmetteur ou neuromodulateur. On en distingue plusieurs sortes, la β endorphine, l’enképhaline-méthionine, l’enképhaline-leucine, les dynorphines A et B.
Elles sont toutes synthétisées dans le cerveau à partir de molécules plus petites (= précurseurs) puis stockées dans des vésicules proches de la membrane cellulaire des neurones.
Les peptides opioïdes endogènes sont sécrétés en réponse à certains stimulus, en particulier les signaux provenant des nerfs sensitifs, puis dégradés par des enzymes après leur action.
La fonction la plus connue des opioïdes endogènes et de leurs récepteurs est l’analgésie, c’est-à-dire la réduction de la douleur et l’amélioration de l’état de bien-être.
Les récepteurs opioïdes appartiennent à la famille des récepteurs transmembranaires constitués d’une longue chaîne d’acides aminés qui traverse 7 fois la membrane du neurone ; ils sont couplés à une protéine, dite protéine G, qui permet leurs actions.
L’activation de la protéine G induit dans les cellules des effets inhibiteurs :
Les récepteurs peuvent aussi être situés en pré-synaptique comme par exemple sur les neurones GABA dans l’aire tegmentale ventrale.
Il existe trois types de récepteurs dénommés mu (µ), delta (δ) et kappa (κ).
La β-endorphine se lie préférentiellement aux récepteurs µ, la met- et la leu-enkephaline aux récepteurs δ, et les dynorphines aux récepteurs κ.
La distribution des récepteurs dans le cerveau n’est pas identique pour les 3 récepteurs.
Les récepteurs opioïdes µ sont surtout présents dans le thalamus et le striatum et l’aire tegmentale ventrale, les récepteurs δ dans le cortex et le striatum, les récepteurs κ dans le cortex, l’hypothalamus, le striatum et l’aire tegmentale ventrale.
Le système opioïde endogène joue un rôle très important dans le fonctionnement du circuit de la récompense, réparti sur ces régions du cerveau.
Les récepteurs sont aussi localisés sur les voies de contrôle de la douleur dans le cerveau et la moëlle épinière - notamment les neurones des ganglions de la racine dorsale, mais aussi en périphérie, dans les globules blancs et dans le tube digestif. Ils remplissent donc un grand nombre de fonctions.
Les récepteurs µ, δ et κ jouent un rôle différent dans les effets récompensants des opiacés. L’activation des récepteurs µ induit un effet renforçant très puissant, et est responsable des propriétés addictives des opiacés qui sont utilisés en clinique pour réduire la douleur et dont abusent les toxicomanes.
Les récepteurs δ et κ, quant à eux, ont un rôle important sur le contrôle de l’humeur, et leur activation a des effets émotionnels positifs (euphorie, anxiolytique, antidépresseur pour δ) ou négatifs (dysphorie, prodépresseur pour κ).
La naltrexone est une molécule utilisée dans le traitement de l’alcoolisme. Elle inhibe principalement les récepteurs µ et réduit l’effet renforçant, le plaisir ressenti et le craving.
Opiacés
Les opiacés comme l’héroïne, la morphine, la codéine, l’oxycodone, etc produisent leur effet euphorisant en augmentant la libération de dopamine dans le système limbique. L’activation des récepteurs µ présynaptiques de l’aire tegmentale ventrale inhibe l'activité GABAergique. Comme la fonction du neurone GABA est d’inhiber l’activité des neurones en aval, l'activation des récepteurs µ va inhiber le neurone GABA inhibiteur et la conséquence sera une libération accrue de la dopamine.
Leurs effets analgésiques sont également dus à leur fixation sur les récepteurs µ, mais par d’autres mécanismes dans les voies nerveuses de la douleur.
Au contraire des opiacés, le THC, l’alcool et la nicotine ne se lient pas directement aux récepteurs mu (µ). Elles se lient à leurs propres récepteurs, qui à leur tour provoquent la libération d'opioïdes endogènes dans les voies de la récompense, activant ainsi ces voies de manière indirecte.
THC
Les études anatomiques ont montré une distribution conjointe des récepteurs CB1 et des récepteurs opioïdes µ dans le système limbique. Des études expérimentales sur des modèles animaux ont montré que le cannabis augmente les effets de récompense de la morphine et de l’héroïne. Le mécanisme exact de ce phénomène n’est pas encore identifié.
Alcool
L’alcool en administration aiguë stimule la synthèse de β-endorphine et d’enképhaline dans l’hypothalamus et le noyau accumbens. De plus, la sécrétion de β-endorphine par l’hypophyse est stimulée. Les effets de l’alcool sont renforcés.
Nicotine
L’administration aiguë de nicotine augmente la libération des enképhalines, ce qui induit le renforcement de ses effets.
Cocaïne
La cocaïne n'a pas d'interaction directe avec les récepteurs µ.
Kieffer
Brigitte Kieffer est membre de l'académie des Sciences, Directrice de Recherche INSERM, et professeure rattachée au département Psychiatrie de l'Université de Strasbourg et au département Psychiatrie de l'université McGill de Montreal Canada.
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm
Luxey
Mathilde Luxey est directrice artistique, graphiste et illustratrice scientifique.
C'est une ancienne étudiante du DSAA Design d’Illustration Scientifique de l’École Estienne.
Son site : https://www.mathildeluxey.fr/