Un dossier pour comprendre la transmission des informations dans le cerveau et l’impact des drogues sur ce mécanisme. Dans ce 8e chapitre, nous nous intéressons aux récepteurs de la sérotonine
La sérotonine est un neurotransmetteur également connu sous le nom de 5-hydroxytrytamine (5-HT) car elle est synthétisée à partir du tryptophane. Le tryptophane est un acide aminé essentiel pour l’homme ; il est présent dans la plupart des aliments, les œufs, la noix de coco, le chocolat en étant particulièrement riche. La sérotonine est présente dans le cerveau, la muqueuse gastro-intestinale et surtout les plaquettes sanguines qui contiennent environ 80 % de la sérotonine totale de l'organisme. En périphérie la 5-HT participe à la coagulation, entraîne des contractions de l’intestin, de l’utérus, des bronches et des uretères.
La sérotonine ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique, celle du cerveau est distincte de celle synthétisée dans l’intestin. Dans le cerveau elle est synthétisée dans les noyaux du raphé à partir du tryptophane par des réactions enzymatiques. Les noyaux du raphé sont un ensemble de structures sous-corticales du cerveau majoritairement présentes au niveau du bulbe rachidien. Ces cellules neuronales ont des projections dans tout le cortex et dans les structures limbiques comme l’hippocampe, l’amygdale, le striatum.
Une fois synthétisée la 5-HT est stockée dans des vésicules synaptiques par l’intermédiaire d’un transporteur vésiculaire jusqu’à son utilisation.
Après utilisation la 5-HT est recaptée par un transporteur spécifique de la sérotonine logée dans la membrane présynaptique ; la 5-HT est soit réintégrée dans le neurone présynaptique et à nouveau stockée dans les vésicules dans l’attente d’une nouvelle utilisation, soit détruite par une enzyme appelée Monoamine oxydase (MAO). L’enzyme MAO est aussi présente dans les plaquettes sanguines.
Dans le cerveau, la sérotonine intervient dans de nombreux processus moteurs et cognitifs (cycle veille-sommeil, vigilance, mémoire, douleur, anxiété…) mais est surtout connue pour son rôle dans la gestion de l’humeur, de la dépression et de l’impulsivité /agressivité. Une baisse de la sérotonine est associée à une baisse de l’humeur, les antidépresseurs augmentant la quantité de sérotonine libre dans le cerveau.
Les récepteurs de la sérotonine sont classés en 7 groupes, de 5-HT1 à 5-HT7, chaque groupe pouvant avoir des sous-classes A, B etc. Ce sont des récepteurs transmembranaires à protéine G à l’exception du récepteur 5-HT3 qui est de type canal ionique.
Les récepteurs les plus étudiés sont ceux des groupes 5-HT1 et 5-HT2.
La fixation de la sérotonine sur un récepteur 5-HT1 entraîne l’ouverture d’un canal potassium et l’expulsion des ions K+. La charge négative intracellulaire augmente ce qui provoque une hyperpolarisation de la membrane postsynaptique. Cette hyperpolarisation empêche la propagation des messages nerveux : la sérotonine est dans ce cas un messager chimique inhibiteur.
A l’inverse, la fixation sur un récepteur du groupe 2 entraîne la fermeture du canal. Les ions K+ s'accumulent dans le neurone post-synaptique et la différence de potentiel de part et d'autre de la membrane diminue. Le seuil d'excitabilité du neurone est abaissé et la propagation du message nerveux est facilitée. La sérotonine est alors un excitateur.
Si tous les récepteurs sérotoninergiques peuvent être présents sur les neurones postsynaptiques, les sous-types 5-HT1A et 5-HT1B/D sont aussi localisés sur la membrane des neurones sérotoninergiques présynaptiques. Ils exercent alors un rétrocontrôle inhibiteur sur l’activité électrique des neurones sérotoninergiques, ce qui a pour conséquence de diminuer la synthèse et la libération de 5-HT.
Cocaïne
La cocaïne inhibe la recapture de la dopamine et de la sérotonine dont la concentration s’élève dans de nombreuses structures cérébrales comme le noyau accumbens, l’aire tegmentale ventrale, l’hippocampe, le cortex.
MDMA
La MDMA a une double action sur les transporteurs de la sérotonine. D’une part, elle inhibe sa recapture; d’autre part elle fait fonctionner les transporteurs vésiculaires et membranaires à l’envers, ce qui conduit à déverser dans la fente synaptique la sérotonine contenue dans les vésicules de stockage. En conséquence, la concentration de sérotonine augmente massivement dans les mêmes régions cérébrales que celles listées pour la cocaïne.
Opiacés
Les opiacés augmentent la libération de sérotonine par un effet indirect, en inhibant les neurones GABA connectés aux neurones sérotoninergiques.
Alcool
L’alcool augmente la libération de sérotonine par un mécanisme non encore identifié
THC
Le delta9-tetrahydrocannabinol, molécule responsable des effets psychoactifs du cannabis entraîne une diminution de sérotonine dans le cerveau et particulièrement dans le noyau accumbens et l’hippocampe. Le mécanisme n’est pas encore identifié.
LSD
Le LSD est un agoniste (stimulateur) puissant de plusieurs récepteurs de la sérotonine dont les récepteurs 5-HT2A, qui ont été montrés responsables des effets hallucinogènes de ce composé.
Maroteaux
Luc Maroteaux est Directeur de recherche CNRS, INSERM UMR-S 1270 à l'Institut du Fer a Moulin, Paris
Il est Docteur en biologie moléculaire, spécialisé en neurobiologie.
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm
Luxey
Mathilde Luxey est directrice artistique, graphiste et illustratrice scientifique.
C'est une ancienne étudiante du DSAA Design d’Illustration Scientifique de l’École Estienne.
Son site : https://www.mathildeluxey.fr/