Le kudzu, une plante qui aide à boire moins d’alcool

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Le kudzu, une plante qui aide à boire moins d’alcool

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Pour ceux pour qui ne pas boire d'alcool peut sembler impossible, des chercheurs développent un médicament pour réduire la consommation

Publié le: 
18/10/2023
Modifié le: 
20/10/2023

Le kudzu (Pueraria montana) est une plante grimpante envahissante aussi connue sous le nom de « vigne japonaise ». Originaire d'Asie, le kudzu pousse principalement en Inde, en Chine et au Japon. Les tiges du kudzu produisent des fleurs pourpres en abondance à la fin de l'été.  
La racine du kudzu est utilisée dans la médecine traditionnelle chinoise depuis des siècles. Elle contient de nombreuses substances actives, parmi lesquelles des isoflavones comme la daidzéine, la puérarine et la génistéine. Ces molécules ont des propriétés qui les rapprochent des hormones oestrogènes. La racine de kudzu était initialement recommandée, entre autres, pour soulager les diarrhées et les vomissements.
Le kudzu est également utilisé pour réduire les effets de l’alcool.

Amélioration de la « gueule de bois »

Le remède traditionnel chinois contre la « gueule de bois » (un état défini dans un précédent article Gueule de bois et remèdes de grand-mère, testés scientifiquement) est tiré non pas de la racine mais des fleurs du kudzu. Il est généralement administré en association avec trois autres plantes : ginseng, cardamome et tangerine. 
Pour éclaircir les mécanismes d’action, des chercheurs ont étudié en 2002 les effets des extraits de la fleur séchée de kudzu sur les niveaux d'éthanol et d'acétaldéhyde retrouvés dans le sang chez des individus consommant des boissons alcoolisées. Les résultats n’ont montré aucune influence sur les concentrations sanguines d'éthanol et d'acétaldéhyde chez l'Homme. Par contre la vitesse d'élimination de l'acétaldéhyde sanguin était modérément augmentée (mais pas celle de l’éthanol). Les bouffées de chaleur, les palpitations, les maux de tête, conséquences de la toxicité de l'acétaldéhyde, étaient également modérément diminuées. 

Illustration de la plante de Kudzu des racinces aux fleurs

Réduction de la consommation

Une étude de 1996 a porté sur un modèle animal de rat préférant l'alcool. Ces rats, lorsqu’ils sont en situation de choix entre l’eau et l’alcool, consomment spontanément beaucoup d’alcool, et développent une tolérance et une dépendance physique à l’alcool. Les chercheurs ont évalué séparément l’effet des 3 isoflavones principaux contenus dans la racine de kudzu : la daidzéine, la daidzine et la puérarine. La consommation de 8 rats a été enregistrée pendant 7 jours permettant d'enregistrer le niveau de base. Ensuite la moitié d’entre eux a reçu 100 mg/kg de daidzéine mélangé à leur nourriture et l’autre moitié du placebo pendant 7 jours. Au terme de ces 7 jours, les animaux recevaient tous de la nourriture avec du placebo pendant une semaine. Le même protocole a été répété sur deux autres séries de 8 rats avec la daidzine et la puérarine.
La daidzéine, la daidzine et la puérarine ont réduit la consommation d'éthanol de 75 %, 50 % et
40%, respectivement. La préférence pour l'alcool est revenue au niveau de base 2 jours après l'arrêt de l'administration des isoflavones.
Des résultats similaires ont été obtenus chez le hamster en 1993 et chez le singe en 1998.

Un essai datant de l’année 2000 a inclus des consommateurs chroniques alcoolo-dépendants : 49 patients, âgés en moyenne de 48 ans. Ils étaient demandeurs de traitement et avaient été hospitalisés en milieu spécialisé pour soigner leur addiction. A leur sortie de l’hôpital, outre leur orientation vers les groupes de soutien des « Alcooliques Anonymes » ils ont reçu 1,2 g d’extrait de racine de kudzu ou un placebo pendant 30 jours puis leur consommation d’alcool était évaluée par deux scores sur des échelles visuelles analogiques. L’un concernait l’index de sobriété, zéro correspondant à la sobriété absolue (= pas d’alcool du tout), 10 correspondant à un ou plusieurs épisodes de binge drinking (mode de consommation détaillé dans la vidéo Les mécanismes du binge drinking). L’autre score était celui du désir de boire, le « craving », également noté de 0 à 10. Les scores de 38 patients, 21 ayant reçu le kudzu et 17 le placebo, ont pu être analysés. Les scores de sobriété, en moyenne 0,23 dans le groupe kudzu et 0,5 dans le groupe placebo étaient statistiquement non différents. Il en était de même pour le score de craving, en moyenne 2 et 1,6.

Plusieurs essais cliniques menés selon un protocole rigoureux ont été effectués sur des consommateurs excessifs non dépendants à l'alcool. A noter que tous ont été réalisés par la même équipe américaine qui a par la suite commercialisé un produit à base de kudzu pour réduire la consommation d’alcool.
En 2005, 14 volontaires âgés en moyenne de 24 ans ont été recrutés. Ils buvaient en moyenne 25 verres par semaine, soit une consommation excessive selon les repères de santé publique. Pendant 7 jours ils prenaient chez eux 3 fois par jour une gélule contenant un extrait de kudzu avec 125 mg d’isoflavones (répartis en 19% de puérarine, 4% de daidzine, et 2.0% de daidzéine), soit 375 mg d'isoflavones par jour, ou un placebo. Au terme de cette période, ils allaient au laboratoire dans un lieu aménagé où ils pouvaient pendant 1h et demi se distraire et boire leur bière préférée à raison de 6 au maximum. Après deux semaines, ils recommençaient le même protocole mais en recevant le placebo s’ils avaient initialement pris le kudzu et vice-versa. Chaque sujet était donc son propre témoin. Sur l’ensemble des participants, après prise de kudzu, la consommation de bière au laboratoire avait été de 532 mL alors qu’elle était de 906 mL sous placebo. La réduction était notable et significative sur le plan statistique. Aucun effet secondaire de la prise de kudzu n’était rapporté.
Quelques années plus tard, en 2013, la même équipe réalise un essai du kudzu pour évaluer l’effet au long cours du kudzu sur la réduction de la consommation d’alcool. Le protocole consiste en 2 semaines d’observation initiale, 4 semaines de traitement, kudzu ou placebo, deux semaines de suivi post-traitement. Vingt et un sujets non dépendants à l’alcool, âgés en moyenne de 24 ans et buvant en moyenne 28 verres par semaine ont participé. La dose de kudzu était deux fois plus importante que dans l’essai précédent : 3 fois par jour 2 gélules contenant le même extrait de kudzu (125 mg d’isoflavones répartis en 19% de puérarine, 4% de daidzine, et 2.0% de daidzéine), soit 750 mg d'isoflavones par jour. La consommation d’alcool était évaluée par un dispositif portatif électronique, le participant devant cliquer sur une touche chaque fois qu’il consommait. Les résultats ont porté sur 17 des 21 participants, 10 ayant pris le kudzu et 7 le placebo. Pendant les 2 semaines d’observation la consommation moyenne d’alcool était de 4 à 5 verres, similaire dans les groupes ayant reçu le kudzu ou le placebo. Pendant la période de traitement la consommation diminuait de 15 à 20% dans le groupe kudzu mais la différence avec le placebo n’était significative que lors de la première semaine de traitement. Par rapport au placebo et à la période d’observation initiale, le kudzu diminuait le nombre de jours de forte consommation, moins 1 jour par semaine. La fréquence des effets secondaires était faible, moins de 3%, et consistait en maux de tête, frissons et nausées.

En 2015, les chercheurs ont évalué l’effet d’une dose de kudzu prise avant une session de binge drinking. Trente-deux sujets âgés de 23 ans en moyenne, consommant au moins 15 verres par semaine ou s’adonnant à au moins 2 sessions de binge drinking par semaine ont été recrutés. Le protocole consistait en deux sessions d’alcoolisation durant 1h30 au sein du laboratoire dans le même lieu que celui de l’expérimentation de 2005. La première session était celle d’observation sans prise d’aucun produit pendant laquelle les sujets consommaient autant de bière que désiré, jusqu’à un maximum de 6. La deuxième session, une semaine après la première, était identique sauf que la moitié des sujets, soit 10 tirés au sort, recevait 2h30 avant le début de l’alcoolisation un placebo et l’autre moitié l’extrait de kudzu. Chaque gélule contenait 130 mg d’isoflavones, répartis en puérarine (20%), daidzine (4%), daidzéine (2%). La dose administrée était de 4 gélules soit 520 mg d’isoflavones. 
Le sous-groupe ayant reçu le placebo avait consommé en moyenne 2,7 bières pendant la session d’observation et 3,4 pendant la session de traitement. Le sous-groupe ayant reçu le kudzu avait consommé en moyenne 3 bières durant la phase d’observation et 1,9 bières en moyenne après la prise de kudzu. Le nombre de bouteilles consommées par le sous-groupe placebo était de 38 contre 21 pour le sous-groupe kudzu. La différence de consommation entre les 2 sous-groupes était statistiquement significative. En fin de session, le taux d’alcool dans l’air expiré était de 0,3 g/l dans le sous-groupe kudzu et 0,73 g/l dans le groupe placebo.

Mécanismes d’action

Les mécanismes par lesquels le kudzu exerce une action sur la consommation d’alcool sont encore mal connus. Les seules certitudes provenant des études chez l’homme est que cela ne passe pas par une réaction de type aversion à l’alcool ni par une accélération de son élimination, au contraire même puisque des travaux ont suggéré que l’effet procuré par une gorgée d'alcool semblait prolongé, ce qui entraînerait un moindre besoin de répéter la consommation. Cela reste toutefois à confirmer.

En conclusion, l’extrait de racine de kudzu semble pouvoir aider à réduire la consommation d’alcool. Cette réduction est toutefois modérée et concerne les personnes qui sont dans l’usage excessif sans pour autant être des buveurs chroniques dépendants.

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
La consommation d'alcool en mode "binge drinking" consiste à boire très vite une grande quantité d'alcool (5 verres pour les garçons / 4 verres pour les filles en moins de 2 heures)
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