La consommation d’une drogue entraîne souvent la consommation d’autres substances psychoactives : on vous explique ce qui se passe lorsqu’on mélange alcool et cocaïne.
Si la consommation de cocaïne est illicite et se passe à l’abri des regards, c’est finalement dans les films qu’on la voit le plus souvent, présentée sous forme de montagnes de poudre ou disposée en rail sur une glace chez un trafiquant. Une autre scène récurrente au cinéma montre un personnage aller “se poudrer le nez” dans les toilettes d’un bar ou d’un restaurant comme en atteste le mythique Pulp Fiction de Quentin Tarantino. Au-delà de la mise en scène de la vie nocturne, un autre facteur entre en jeu pour expliquer ce comportement.
Alors que la cocaïne produit un effet stimulant surpuissant, 80% des adeptes du produit boivent de l’alcool, un autre produit stimulant ! Bizarre ?
Les effets psycho-actifs procurés par la cocaïne, excitation physique et psychique, sensation de toute puissance, euphorie, surviennent rapidement après la prise mais ont une durée limitée dans le temps, 15 à 45 mn environ. Au-delà, les effets s’atténuent et commence la « descente », le retour sur terre. Cette période est marquée par la survenue d’un mal-être comprenant anxiété, irritabilité, fatigue, baisse d’estime de soi…. Une façon de faire disparaître cet état un peu morbide est de reprendre une dose de cocaïne, mais une autre façon, mise en évidence par les expérimentateurs, est de boire de l’alcool. En effet, l’alcool qui est un stimulant, du moins dans sa phase initiale d’action, est absorbé plus lentement que la cocaïne. L’alcool parvient au cerveau plus tardivement et est éliminé beaucoup plus lentement. L’effet de l’alcool est donc différé par rapport à celui de la cocaïne et dure plus longtemps.
Mais une autre raison d’associer les deux produits est qu’ils vont démultiplier leurs effets. Les recueils d’impressions de terrain chez les usagers concordent avec les résultats d’administration expérimentale comme le montre une étude dont le protocole comportait la consommation de 5 verres aboutissant à une alcoolémie d’environ 1,2g/l et l’administration intra-veineuse de cocaïne aux doses de 0,3 - 0,6 et 1,2 mg/kg. L’addition d’alcool amplifie l’euphorie procurée par la cocaïne, probablement parce que les deux produits augmentent séparément la concentration de dopamine. Elle atténue aussi les troubles psychomoteurs (démarche ébrieuse, imprécision des gestes...) engendrés par l’alcool.
Boire de l’alcool en prenant de la cocaïne permet donc d’augmenter et de prolonger les sensations stimulantes et, d’autre part, d’atténuer les manifestations désagréables ressenties lors de la descente.
Ainsi, dans une étude chez des consommateurs réguliers de cocaïne, environ 60 % des sujets rapportaient utiliser souvent l’alcool pour atténuer mal-être, nervosité ou troubles du sommeil associés à la diminution ou à l’arrêt de la consommation de cocaïne.
Le côté « bénéfique » du mélange n’est toutefois pas sans effets secondaires. La prise concomitante de cocaïne et d’alcool conduit à la synthèse dans le foie d’un métabolite actif, le cocaéthylène, à raison d’environ 20% de la dose de cocaïne. Cette molécule a des propriétés psychoactives mais aussi une toxicité très proches de celles de la cocaïne, tout en étant éliminée 3 fois moins vite, ce qui prolonge d’autant l’effet nocif sur le cœur. On sait que la cocaïne seule augmente la fréquence cardiaque et la tension artérielle, mais le mélange alcool-cocaïne les augmente encore plus et le risque de mort subite par arrêt cardiaque est 22 % plus important. Les études menées jusqu’alors n’ont pas trouvé d’explication satisfaisante à ce sur-risque de toxicité cardiaque.
Comme la cocaïne atténue les conséquences de l’ivresse, elle a pour effet paradoxal d’inciter à boire encore plus ! Et c’est sans doute pour cela que les usagers réguliers de cocaïne deviennent fréquemment addict à l’alcool.
Enfin, d’après plusieurs études menées auprès de consommateurs de cocaïne, boire de l’alcool est un facteur qui déclenche facilement l’envie de prendre de la cocaïne, ce qui peut compliquer sérieusement la vie si les occasions de boire sont nombreuses.
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm