Des boissons énergisantes dans vos cocktails ?

3 mins

Des boissons énergisantes dans vos cocktails ?

Articles

Les boissons énergisantes mélangées avec l’alcool ont leurs adeptes en soirée : on vous explique pourquoi, études scientifiques à l’appui...

Publié le: 
27/10/2017

Les boissons énergisantes sont présentées comme des produits diminuant la fatigue et augmentant le tonus énergétique. Ce sont le plus souvent des boissons gazeuses sucrées qui contiennent de la caféine à forte concentration et d’autres ingrédients comme la taurine, le ginseng, la guarana, des vitamines et bien d’autres.

Pour les autorités sanitaires européennes, la consommation de ces produits est a priori sans danger, sans qu’on ait de notions sur les éventuels risques à long terme, tant que la dose ne dépasse pas 1 canette et demi par jour soit 350 ml. Une canette de 25 cl de boisson énergisante contient environ 80 mg de caféine. L’accent est surtout mis sur la dose de caféine, celle à ne pas dépasser étant de 400mg/j chez l’adulte en raison des conséquences indésirables comme une tachycardie, des palpitations, des tremblements, une anxiété, une  insomnie.

Mais bien souvent ces boissons sont consommées en même temps que des boissons alcoolisées. Les motifs les plus souvent avancés  sont que ces boissons  permettent d’atténuer les conséquences négatives de l’excès d’alcool comme la bouche sèche, la fatigue, les maux de tête, la somnolence etc…..

Pour vérifier la réalité de ces effets, plusieurs équipes de chercheurs ont réalisé des protocoles expérimentaux chez des jeunes volontaires. Ces derniers consommaient lors de deux épreuves distantes de plusieurs jours des quantités calibrées d’alcool associées ou non à une boisson énergisante ou à de la caféine et devaient réaliser des tests permettant de mesurer diverses fonctions cognitives comme la mémoire, la concentration, la vitesse d’exécution, la fréquence d’erreur.

  • Les études analysant le temps de réaction ont montré que sa diminution provoquée par l’alcool n’était pas toujours atténuée par les boissons énergisantes (BE) ou la caféine seule.
  • Par contre certaines tâches nécessitant de l’attention qui étaient altérées par l’alcool, comme faire deux choses quasi-simultanément, étaient améliorées par les BE.
  • Il en était de même pour des épreuves de maîtrise du geste. Toutefois les tests en simulateur de conduite montraient que les BE ne réduisaient ni les excès de vitesse ni les déviations de trajectoire ni le risque d’accident.
  • Quant à la mémoire altérée par l’alcool elle était améliorée par la prise de caféine mais uniquement à forte dose (300 mg).
  • Aucune modification de la vitesse d’élimination de l’alcool par les BE n’a été objectivée.

Par ailleurs les participants aux études étaient interrogés sur les effets ressentis après absorption des divers mélanges. Les BE ne modifiaient pas le plaisir de boire ni la perception du degré d’intoxication. Par contre plusieurs études ont montré qu’elles augmentaient la motivation à boire de l’alcool. Cette observation a été vérifiée en laboratoire sur des rongeurs soumis aux mêmes protocoles que les jeunes.

De plus, de toutes les enquêtes ayant interrogés des fans de boissons énergisantes,  il ressort que ces derniers ont une consommation d’alcool supérieure à celle de ceux qui n’en prennent pas.

Les mécanismes expliquant ces atténuations des conséquences neurobiologiques de l’alcool par les BE ou la caféine ne sont pas décryptés. La caféine a des effets pharmacologiques complexes. Toutefois on sait que dans le cerveau elle bloque les récepteurs à adénosine ce qui désinhibe l’activité cérébrale, provoquant une augmentation de la vigilance et de l'éveil.  Ce blocage des récepteurs entraîne indirectement une augmentation de la dopamine ce qui pourrait expliquer l’envie de boire plus d’alcool.

 Au final, les boissons énergisantes atténuent certains des effets négatifs de l’alcool sur le fonctionnement cérébral et le ressenti immédiat mais comme elles incitent à boire plus, elles aggravent, en les masquant, les conséquences néfastes de l’alcool sur le fonctionnement et l’intégrité du cerveau.

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
Thématiques abordées: 
Article(s) associé(s):