Impulsivité et addiction

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Impulsivité et addiction

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Les scientifiques utilisent différents termes pour décrire les composantes des addictions : tolérance, impulsivité, compulsivité, craving, perte de contrôle, effet renforçant, conditionnement… MAAD Digital propose une série d’articles pour mieux comprendre ces mécanismes - Épisode 3 : Impulsivité

Publié le: 
19/01/2018

L’impulsivité est un trait de caractère dont la définition la plus souvent citée est « prédisposition à réagir rapidement et sans planification à des stimuli internes ou externes, sans égard aux conséquences possibles pour soi-même ou les autres ». En pratique, l’impulsivité se caractérise par : le fait d’agir sans anticipation ; le manque de réflexion concernant les conséquences de ses actes ; l’incapacité à différer la récompense, avec une préférence pour les récompenses immédiates même si elles sont plus petites que les récompenses différées ; un échec de l’inhibition d’une réponse motrice. L’impulsivité se distingue de la compulsivité : elle initie l’action alors que la compulsivité la maintient en dépit de ses conséquences indésirables. Toutefois, de nombreux auteurs soulignent aujourd’hui que ces deux phénomènes partagent des mécanismes neuropsychologiques communs.

L’impulsivité, qui n’est pas en soi une maladie, est associée à des troubles psychiatriques variés comme la personnalité borderline, la personnalité antisociale, le déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, le trouble bipolaire, la manie… Enfin, de très nombreux travaux ont montré que l’impulsivité est un facteur augmentant la probabilité de survenue d’une addiction.

Comment mesurer l’impulsivité ?

Il existe de très nombreuses méthodes pour analyser l’impulsivité. À côté des questionnaires, dont le plus connu est l’échelle d’impulsivité de Barratt, on utilise souvent deux méthodes informatisées : la sensibilité à la récompense et le défaut d’inhibition de la réponse.

Pour la sensibilité à la récompense, les sujets doivent choisir entre recevoir immédiatement une petite récompense ou bien une plus importante s’ils acceptent d’attendre ; les réponses peu différées sont comptabilisées comme impulsives. Par exemple, dans le test SKIP (Single Key Impulsivity Paradigm), le sujet est placé devant un écran et dispose d’une souris. Il est informé que plus il attend avant de cliquer plus il obtiendra de l’argent, le montant qu’il gagnera n’étant pas communiqué à l’avance. Le gain cumulé est affiché en permanence à l’écran alors que le gain à chaque essai n’est affiché que pendant 3 secondes. Le degré d’impulsivité est évalué par le nombre total de « clics » ou la durée moyenne entre 2 clics ; le plus grand délai entre 2 clics correspond à la capacité maximale de contrôle de l’impulsivité.

Le défaut d’inhibition, encore appelé « test du signal stop » est souvent mesuré avec des tâches dites « Go-NoGo (GNG) ». On demande au sujet de répondre le plus rapidement possible à un signal désigné comme GO (par exemple cliquer sur la souris lors de l’apparition du chiffre 3 sur un écran) et de ne pas cliquer lorsqu’apparaît le chiffre 8. Le test présente beaucoup plus de stimuli « Go » que de stimuli « NoGO », ce qui incite le sujet à répondre, ici à cliquer, presque automatiquement. On mesure la capacité à inhiber une réponse en comptabilisant le nombre de fois où le sujet a répondu (dans notre exemple en cliquant) alors qu’il ne le fallait pas. Le test peut être amélioré en attribuant des récompenses lorsque la réponse est correcte.

L’impulsivité dans le cerveau

Les travaux d’imagerie ont identifié les zones cérébrales particulièrement actives dans les comportements impulsifs. Ce sont celles impliquées dans le contrôle des émotions, comme l’hypothalamus, le septum, l’amygdale et celles qui participent à la prise de décision, spécifiquement le cortex préfrontal.Cerveau - coupe sagittaleLes travaux les plus récents suggèrent que deux circuits reliant ces structures seraient impliqués, l’un étant dédié à l’évaluation de la valeur du résultat de l’action et l’autre au contrôle de l’inhibition. Les neurotransmetteurs impliqués sont particulièrement ceux à sérotonine et ceux à dopamine. La sérotonine est connue pour moduler les comportements ; les études menées chez l’homme et chez les primates montrent de façon concordante qu’un faible taux de sérotonine est généralement associé à un comportement à risque, à une irritabilité et à un comportement impulsif et agressif. Cette diminution de concentration de sérotonine a été identifiée au niveau cérébral dans le cortex pré-frontal, siège majeur de la prise décision. La dopamine semble également jouer un rôle dans l'émotivité et l'urgence mais, contrairement à la sérotonine, dans le cas d’une concentration anormalement élevée. De fait, dans des modèles animaux, l’augmentation de la dopamine - particulièrement dans le cortex préfrontal - était associée à l’impulsivité, la désinhibition, la recherche de nouveauté. Il a été suggéré que le système sérotoninergique contrôlerait, du moins en partie, l’activité des circuits à dopamine. En conséquence, l’impulsivité pourrait provenir d’un déséquilibre entre les deux systèmes, la baisse de la sérotonine contribuant à l’augmentation de la dopamine. Cette hypothèse reste à confirmer.

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

relecteur(s): 

Thibault

22 ans
 
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