Alors que la consommation de cannabis est légalisée dans certains pays, notamment pour l’usage thérapeutique, la réglementation de la production n’est pas encore en place.
La légalisation du cannabis à visée récréative dans certains pays ou états et la diffusion progressive de son usage médical oblige à définir des normes sanitaires quant à sa culture et sa transformation pour éviter la présence de contaminants rendant le produit impropre ou présentant des risques à la consommation.
Les principaux contaminants identifiés dans des préparations de cannabis sont des microbes, des métaux lourds et des pesticides, substances dont la présence a également été signalée dans des plantes utilisées en médecine traditionnelle, chinoise ou ayurvédique.
De nombreux travaux analysant des préparations de cannabis ont détecté la présence de bactéries et de champignons pathogènes. La contamination est le plus souvent due aux conditions de récolte, de séchage et de stockage. En effet l’atmosphère humide est propice au développement de moisissures, par exemple de type botrytis (celle attaquant la vigne), de papillons (de type Choristoneura, parasite destructeur des conifères) et de mites.
Des contaminations bactériennes ayant des conséquences cliniques ont été rapportées dans la littérature médicale. Elles sont toutefois peu nombreuses dans la mesure où le cannabis étant interdit, seuls les cas les plus graves nécessitant une hospitalisation sont connus. Par exemple, en 1982 une épidémie de gastroentérite aux USA a été rapportée à la présence de Salmonelle dans la marijuana. L’épidémie s’était propagée dans plusieurs états, suivant sans doute le trajet du lot de marijuana contaminée, et avait touché au total 85 personnes.
La présence de champignon Aspergillus a fait l’objet de plusieurs rapports. En effet ce champignon peut être à l’origine d’infections pulmonaires graves, parfois fatales chez les personnes immuno-déprimées. Un travail récent a analysé 17 lots de cannabis de qualité pharmaceutique provenant de récoltes effectuées soit au Pays-Bas soit dans le Massachussetts en 2011 et 2015. Utilisant la technique PCR, 6 des 17 échantillons étaient positifs pour Aspergillus et pour d’autres souches toxiques. Certes la quantité de toxine n’était pas évaluée, toutefois on sait qu’une dose minime est susceptible de déclencher une infection en cas d’immuno-dépression. Or le cannabis thérapeutique est indiqué en cas de cancer ou d’infection par le VIH, pathologies dans lesquelles l’immunité est fortement altérée.
La contamination par des métaux lourds provient principalement du sol. Le cannabis est connu pour être un « hyper accumulateur », il capte par ses racines des quantités importantes de métaux lourds du sol ou de son milieu de culture, substances qui potentiellement migrent vers les têtes. Les métaux peuvent donc être présents sous forme concentré dans les extraits de plantes. Les fertilisants riches en phosphates sont également riches en cadmium, métal largement capté par le cannabis, même lorsqu’ils sont vaporisés plutôt qu’épandus sur le sol. D’autres modes de contamination sont aussi possibles, pendant les étapes de séchage ou d’extraction, et enfin une addition volontaire pour augmenter le poids de la marchandise qui sera vendue. De fait une intoxication au plomb suite à son addition dans le cannabis a été rapportée à Leipzig en 2007 où 35 usagers avaient dû être hospitalisés et traités ; les symptômes les plus fréquents étaient une colique aiguë, des nausées, des vomissements ainsi qu’une fatigue ; ils avaient fumé en moyenne 7 joints par semaine. Une extension de la mesure du plomb dans le sang avait été proposée aux fumeurs de marijuana de la ville. Sur les 597 personnes qui avaient accepté, 27% avaient un taux de plomb nécessitant un traitement. Du fait de l’illégalité du produit, aucun échantillon d’herbe n’avait pu être analysé.
L’utilisation de pesticides dans la culture du cannabis est bien documentée. Ces produits contiennent de nombreux métaux lourds comme le plomb, le mercure, le cadmium. L’état de Washington a autorisé l’usage médical du cannabis en 1998 et récréationnel en 2012 sans établir de règles strictes de contrôle de qualité. Une analyse de 26 échantillons de cannabis achetés de manière légale en 2016 dans cet état a montré que 22 d’entre eux contenaient des pesticides dont les niveaux dépassaient la limite supérieure de détection, certains d’entre eux étant des cancérigènes reconnus. Dans une étude identique menée en Californie en 2015, un tiers des échantillons étaient positifs. Enfin un travail mené en 2013 a montré que 70% des pesticides contenus dans « l’herbe » diffusait dans la fumée.
Même si l’usage récréationnel du cannabis est autorisé dans plusieurs états d’Amérique du Nord, le produit n’a pas été légalisé au niveau fédéral, aussi la Food and Drug Administration (FDA), autorité qui édicte les normes sanitaires, ne s’est pas emparée du sujet pour le cannabis. Il n’existe pas encore non plus de produit avec la certification de culture biologique. Chaque état édicte ses propres règles en matière de seuil limite acceptable de pesticides, microbes et métaux lourds et en matière de toxiques à détecter. Au niveau européen, les modalités d’usage médical sont très variables d’un pays à l’autre. Quant à l’usage récréationnel, même s’il est dépénalisé dans certains pays, la production et la vente ne sont généralement pas autorisées et il n’existe pas à ce jour de normes sanitaires. Celles-ci ne concernent pas les productions illicites pour lesquelles la pureté et l’absence de contaminants du cannabis acheté au marché noir restent un point d’interrogation.
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm