Renforcement et addiction

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Renforcement et addiction

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Les scientifiques utilisent différents termes pour décrire les composantes des addictions : tolérance, impulsivité, compulsivité, craving, perte de contrôle, effet renforçant, conditionnement… MAAD Digital propose une série d’articles pour mieux comprendre ces mécanismes - Épisode 4 : Renforcement

Publié le: 
14/04/2023

Le mot renforcement évoque le plus souvent la consolidation. Par exemple en maçonnerie c’est rendre un mur plus solide, en informatique c’est vérifier et fiabiliser des données, en haltérophilie c’est affermir sa puissance musculaire. En neuropsychologie la signification est un peu différente : le renforcement est un processus qui favorise la répétition d’un comportement.

Le renforcement en psychologie

Le concept de renforcement découle des expériences dites "de conditionnement opérant" initialement théorisées en 1898 par E. Thorndike, psychologue américain, et développées ensuite par B. Skinner, également psychologue américain, dans les années 1950. 
Skinner a conçu une expérience consistant à mettre des rats dans des cages pourvues d’un petit levier. Aucune nourriture n’était à disposition des rats qui, affamés, exploraient donc la cage. Ils finissaient à un moment ou à un autre par appuyer sur le levier, ce qui faisait tomber une boulette de nourriture. Après plusieurs appuis, le plus souvent au hasard mais néanmoins accompagnés par la distribution d’une boulette, les rats comprirent le mécanisme et appuyèrent volontairement sur le levier quand ils avaient faim. 
L’action d’appuyer sur le levier procurait un bénéfice, une boulette, ce qui induisait la répétition de l’action : c’est le renforcement. Quand le bénéfice est agréable, comme dans cette expérience, il s’agit d’un renforcement positif.
A l’inverse, une autre expérience a montré que si appuyer sur le levier déclenchait un petit choc électrique, la probabilité que les rats y appuient de nouveau diminuait.

Réduire la fréquence d’un comportement pour éviter une conséquence désagréable est un renforcement négatif.

Mécanisme

Plusieurs aires du cerveau sont impliquées dans le processus de renforcement. La principale semble être l’aire tegmentale ventrale, région qui joue un rôle majeur dans la gestion des récompenses, des préférences mais aussi des aversions. La liaison avec les autres aires impliquées, particulièrement le noyau accumbens, l’amygdale et le cortex préfrontal, s’effectue par les neurones à dopamine

Le circuit de la récompense

Durant le processus naturel de renforcement, ces neurones sont activés ce qui entraîne la libération de dopamine lorsque le renforcement est positif. A l’inverse, lorsque le renforcement est négatif, les neurones à dopamine sont peu ou pas activés, donc la libération de dopamine est faible ou inexistante. 
Mais, point majeur, dans l’expérience de Skinner le cerveau a retenu qu’"appuyer sur le levier"et "recevoir une boulette" sont indissociables. Cette association est valable pour tout processus de conditionnement que le renforcement soit positif ou négatif. 
Cet apprentissage du lien entre comportement et récompense permet théoriquement d’optimiser les attitudes de telle façon à obtenir la récompense maximale ou à éviter les désagréments (Voir article L’apprentissage des drogues : mission impossible ?).

Le renforcement dans l'addiction

Toutes les substances psychoactives entraînent, du fait de leur propriétés pharmacologiques, une libération plus ou moins intense de dopamine, ce qui génère une récompense. Cette libération, qui n’a rien de naturel, crée un leurre dans le circuit de neurones qui régule l’association entre comportement et récompense. Comme la récompense immédiate procurée par la drogue est satisfaisante, plaisante, l’association consommation–bénéfice est enregistrée comme favorable, ce qui incite à poursuivre le comportement de consommation. Le renforcement est positif. 
La prise de drogues, même une seule fois, a, au-delà de la récompense immédiate, le plus souvent des conséquences désagréables dans un deuxième temps. Ces effets, physiques ou psychiques, sont variables selon le type de substance consommée mais ont comme dénominateur commun des troubles de l’humeur. Ils s’aggravent avec la répétition de la consommation. Selon la logique du système évaluateur du renforcement, la consommation devrait alors être réduite voire stoppée, exactement comme fait le rat lorsqu'il arrête d'appuyer sur le levier parce qu'il reçoit un choc électrique. Un comportement paradoxal va alors s’ensuivre. Comme les effets désagréables post-consommation peuvent être atténués par la prise de la drogue, le système va intégrer le fait que, en sus de procurer une récompense, reprendre le produit évite une situation négative. Il s’agit alors d’un renforcement négatif. Cela a bien été montré chez l’animal par une équipe bordelaise : des rats conditionnés à recevoir de la cocaïne en mettant leur nez dans un orifice continuent de le faire même si la délivrance de la cocaïne est accompagnée d’une décharge électrique. 
La prise initiale de drogue peut être motivée par le besoin de soulager ou d’atténuer une souffrance, un stress, une anxiété ou aussi une insuffisance de ressenti des récompenses naturelles. Un tel comportement relève du renforcement négatif. Cela n’empêchera pas l'amélioration des troubles grâce à l’effet puissant de la drogue. Toutefois, la répétition des consommations générera les symptômes de manque, du même type que ceux ayant motivé l’expérimentation de la drogue. L’addition des troubles initiaux à ceux du manque pourra aggraver l’intensité du mal-être, ce qui favorisera encore plus la consommation.
Au final, dans les débuts de la consommation, la drogue est prise en raison d’un renforcement positif ou négatif. Mais au fil du temps l’apparition d’effets secondaires désagréables fera que la consommation répondra à un renforcement négatif. Comme le fonctionnement du système évaluateur aura été perturbé par la prise régulière de substances, la réponse aux comportements associés aux récompenses naturelles sera altérée et la satisfaction ressentie amoindrie voire nulle.

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
Le renforcement est un des mécanismes neurologiques qui explique la répétition d'un comportement
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