Le mot alcool en chimie désigne une grande famille de substances qui ne sont pas toutes consommables - 1ère partie : l'éthanol
“Qu’est-ce que tu bois comme alcool ?” La réponse est très variable : “je ne bois pas !”, “j’adore le whisky”, “je préfère la vodka !”... Mais de toute façon la réponse sera fausse. Pourquoi ? Parce que le mot alcool en chimie désigne un composé comportant un radical hydroxyle (OH) fixé sur un atome de carbone saturé (= toutes les liaisons sont occupées). Comme le nombre de carbones est variable, la famille de l’alcool est grande. Et mieux vaut ne pas se tromper lorsqu’on choisit celui qu’on va consommer. Examinons de près les plus connus et les plus utilisés.
L’éthanol est le numéro 2 de la famille des alcools. Il comporte 2 carbones, sa formule est CH3CH2OH. C’est un liquide mobile, incolore, volatil, d’odeur plutôt agréable. Sa production provient de deux sources. La première est la fermentation des sucres contenus dans les fruits, la canne à sucre, les betteraves etc…suivie ou non d’une distillation (=séparation de l’éthanol des autres constituants par ébullition). La deuxième est la synthèse à partir d’éthène (ou éthylène) provenant du pétrole. Cette dernière source représente 30 % de la production en Europe et 60% aux USA.
L’éthanol présent dans le vin résulte de la transformation, totale ou partielle, du sucre contenu dans le raisin. Cette transformation est possible grâce aux levures qui, au cours de la fermentation, transforment le sucre en CO2 et en éthanol. De ce fait, si le raisin est riche en sucre, il sera riche en éthanol. Pour obtenir 1 % d’alcool dans le vin, il faut 17 grammes de sucre par litre. L’éthanol de la bière est obtenu par fermentation d’un mélange de produits végétaux (= le moût) tels que l'orge, le maïs, le riz, la banane, le manioc … Celui du rhum, whisky, vodka… provient d’une maturation suivie d’une distillation. Enfin, pour les eaux-de-vie, il s’agit d’une macération de fruits à laquelle est ajouté de l’éthanol pur, l’ensemble étant laissé macérer pendant un temps donné puis distillé.
L’éthanol des boissons est soumis à un impôt indirect dont le montant varie en fonction du type de boisson et de son titre (= pourcentage) en éthanol.
L’éthanol est également utilisé comme solvant dans les produits médicaux et cosmétiques.
Sous sa forme pure, c’est un carburant utilisé pour les moteurs. C’est le fameux E85 disponible dans les stations-services sous forme de bioéthanol. Il est composé de 15% d'essence et de 85% d'éthanol, produit à partir de matières premières végétales (maïs, blé et betterave à sucre). Des doses moindres d’éthanol sont présentes dans le SP95/E5 (5%) et le SP90/E10 (10%).
L'alcool dit « à brûler » contient de 67 % à 90 % d'éthanol et de 3,15 % à 7 % d’un autre alcool, le méthanol, ainsi que d'autres composés qualitativement et quantitativement variables d'un produit à l'autre.
L’alcool dit « ménager » est de l’alcool à brûler dont l’odeur est rendue supportable et agréable au quotidien par l’ajout de divers produits.
L’éthanol à usage industriel ou domestique pourrait être bu mais, dans ce cas, il serait soumis à l’impôt. Pour y échapper, l’éthanol est rendu non comestible pour les humains en y ajoutant des composés comme le camphre ou le méthanol.
L’éthanol rendu impropre à la consommation est alors dit « dénaturé ».
L’éthanol est majoritairement métabolisé dans le foie : il est d’abord transformé en acétaldéhyde par une enzyme appelée « alcool déshydrogénase » puis en acétate par une autre enzyme, l’ « aldéhyde déshydrogénase ». En cas de consommation régulière excessive, une deuxième voie de dégradation intervient, la voie des « cytochromes » qui est nettement plus performante que la précédente (voir article Que devient l’alcool dans l’organisme).
L'acétaldéhyde, premier métabolite formé, a une toxicité directe car il se lie à des protéines ainsi qu’à l’ADN, et les dénature. Il a aussi une toxicité indirecte en générant la formation de radicaux toxiques (les radicaux libres) qui provoquent une agression des cellules appelée stress oxydatif (voir article L’alcool est génotoxique). L’éthanol franchit la barrière hémato-méningée entre la circulation sanguine et le cerveau et va perturber le fonctionnement du système nerveux en agissant sur les neurotransmetteurs.
Toute dose d’éthanol est toxique et l’organisme dispose de capacités de défense qui sont toutefois modestes. Les doses provoquant des conséquences qui mettent la vie en danger sont très variables d’une personne à l’autre. Selon Toxibase® une consommation entre 420 et 700 ml d’alcool pur sur une courte durée est mortelle. Cela a été malheureusement une fois de plus vérifié en Mai 2023 quand un influenceur chinois, après avoir perdu une compétition entre collègues, a bu en gage plusieurs bouteilles de baiju, un spiritueux chinois titré à 60° d’éthanol, soit 335 ml d’éthanol pur pour une bouteille de 70 cl. Il est décédé 12 heures après. Un taux d’éthanol dans le sang (= alcoolémie dans le langage courant) de l’ordre de 3 g/l entraîne le coma et à partir de 4,5 g/l la vie est en jeu (voir article coma alcoolique). D’après le CEpiDC (Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès) 2696 décès pour alcoolisme aigü ont été recensés en France en 2021.
Selon les recommandations de l’OMS, la dose à moindre risque pour un adulte est de ne pas dépasser 2 verres standard (1 verre standard = 10g d’éthanol pur) par jour sans distinction de sexe et pas tous les jours, et 10 verres par semaine. En métropole en 2021, 22% des adultes déclaraient une consommation au-dessus de ces repères.
En 2020, Santé Publique France a estimé que 41 000 décès étaient attribuables à la consommation excessive chronique d’alcool par an, dont 30 000 chez les hommes et 11 000 chez les femmes.
Les boissons « alcoolisées » font partie de la culture dans de nombreux pays. L’éthanol qu’elles contiennent, propre à la consommation, est celui obtenu par fermentation ou distillation de fruits ou de céréales. Les « alcools » ménager, à brûler, à frictionner, à destination du moteur, sont un sous-produit du pétrole. Ils ne doivent en aucun cas être consommés car ils ont été additionnés de produits particulièrement nocifs pour l’organisme. Toute personne ayant volontairement ou accidentellement bu un de ces produits doit être conduite sans délai à l’hôpital. L’éthanol des boissons est également toxique et une consommation excessive est source de conséquences néfastes.
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm