Alors qu’on a parfois une sensation d’endormissement après une soirée bien arrosée et qu’on a souvent du mal à se réveiller le lendemain matin, on pourrait croire qu’on a dormi profondément. Mais même sans gueule de bois, a-t-on vraiment passé une bonne nuit ? La réponse avec les dernières études sur le sommeil et l’alcool.
Le rythme, la durée et la qualité du sommeil et de l’éveil sont régis par la combinaison de deux phénomènes. Le premier est le principe d’homéostasie, qui veut que le temps d’éveil soit, en partie, compensé par un temps de sommeil. Pour cela, la « pression » de sommeil va augmenter tout au long de la période d’éveil pour revenir à zéro pendant le sommeil avant de recommencer un nouveau cycle. Le deuxième phénomène est le rythme circadien ( du latin circa = autour et die= jour) qui superpose un cycle de 24h à l’homéostasie du sommeil. Le rythme circadien est régi par une « horloge »sensible aux variations de lumière (jour vs nuit) et à d’autres signaux, située dans le noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus. Chez les espèces à vie diurne, comme l’être humain, l’horloge promeut l’éveil le jour et le sommeil la nuit. Tout au long de la journée de 24h, rythme circadien et homéostatique s’accordent (= périodes de sommeil) ou s’opposent (=périodes d’éveil). Le respect de l’homéostasie du sommeil permet de restaurer l’énergie, les défenses cellulaires et la plasticité synaptique.
Le principal neurotransmetteur impliqué dans l’homéostasie du sommeil est l’adénosine qui est un produit de dégradation de l’ATP (adénosine tri-phosphate), principale source d’énergie des cellules. Pendant l’éveil, la consommation d’énergie, donc d’ATP, est élevée et l’adénosine rejetée hors de la cellule va progressivement s’accumuler dans l’espace extra-cellulaire. L’adénosine agit en se fixant sur les récepteurs à l’adénosine de type A1 présents au niveau du cortex et du cerveau antérieur basal. Plus l’adénosine augmentera, plus la pression de sommeil sera forte, et plus il faudra de temps de sommeil pour la dissiper.
Le cycle du sommeil est divisé en plusieurs stades :
Plusieurs cycles (3 à 5), d’environ 90 minutes vont ainsi se succéder durant la nuit. Au sein d’un cycle, la durée de chaque stade varie en fonction du moment de la nuit.
L’alcool, comme toutes les drogues, agit sur les neurotransmetteurs et/ou leurs récepteurs.
Consommé sur un mode « binge », l’alcool va agir sur le sommeil en interférant avec l’adénosine. Des travaux sur des cellules en culture ont montré que l’alcool réduit la recapture d’adénosine ce qui augmente d’autant sa concentration dans le milieu extra-cellulaire et donc l’activation générale des récepteurs A1. De plus, un travail récent a montré que l’alcool, via l’activation des récepteurs A1, inhibe, c’est-à-dire ralentit certains neurones particuliers : les neurones à orexine. Une forte baisse d’activité de ces neurones peut entraîner la narcolepsie (= maladie caractérisée par un besoin de sommeil excessif et la capacité de s’endormir brutalement à n’importe quel moment, dans la rue, à l’école….).
Alors que vaut notre sommeil après une soirée arrosée ? La recherche expérimentale permet de répondre. Le protocole consiste à réaliser un enregistrement polysomnographique du sommeil chez des volontaires qui boivent une quantité donnée d’alcool avant le coucher.
La polysomnographie enregistre les paramètres suivants :
L’étude la plus récente a porté sur une série de 22 jeunes, filles et garçons, âgés de 19 ans en moyenne, consommateurs occasionnels d’alcool. Leur sommeil a été analysé pendant 2 nuits consécutives après administration 1 heure avant le coucher soit d’une dose d’alcool sous forme de vodka orange aboutissant à une alcoolémie égale 0,8 g/l soit de la même dose de jus d’orange mais sans vodka.
La rapidité d’endormissement et le temps de sommeil total n’étaient pas différents selon que les jeunes avaient bu ou non la boisson avec alcool. Par contre l’architecture du sommeil était nettement modifiée. En première partie de nuit, c’est-à-dire sur les 2 premiers cycles, la prise d’alcool augmentait le temps de sommeil profond et diminuait le temps de sommeil paradoxal. A l’inverse, sous alcool, les deux derniers cycles de sommeil comportaient une proportion importante de sommeil paradoxal et une diminution nette de sommeil profond. Enfin, uniquement au cours du dernier cycle, l’alcool provoquait des réveils fréquents, un sommeil « haché ».
Au total, l’efficacité du sommeil était moindre après la prise d’alcool.
Ces résultats concordent avec ceux qui ont été observés au laboratoire et chez l’adulte. Aussi, d’une manière générale, après avoir bu en excès il ne faut pas s’attendre à passer une très bonne nuit. Et si au réveil on a la gueule de bois, ce sera la totale !
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm
Barlier
Eve a 20 ans et est étudiante en DSAA Design d'Illustration Scientifique à l'Ecole Estienne à Paris.
Son site : www.ezelvir.tumblr.com
Zarka-Grinsnir
Chloé a 23 ans et est étudiante en DSAA Design d'Illustration Scientifique à l'Ecole Estienne à Paris.
Monnier
Maxime a 22 ans et est étudiant en DSAA Design d'Illustration Scientifique à l'Ecole Estienne à Paris.