Un dossier pour comprendre la transmission des informations dans le cerveau et l’impact des drogues sur ce mécanisme. Dans ce 4e chapitre, nous nous intéressons aux récepteurs nicotiniques du neurotransmetteur acétylcholine.
L'acétylcholine, neurotransmetteur naturellement présent dans l’organisme, est synthétisée dans les terminaisons des axones à partir de la choline et de l'acétylcoenzyme A. Ce dernier provient notamment de la dégradation du glucose stocké dans l’organisme. La choline provient de l’alimentation, les aliments qui en contiennent le plus sont les oeufs suivis par la viande (le foie en particulier) et le poisson. La choline provient aussi de la dégradation de l’acétylcholine dans le cerveau.
Dans la terminaison pré-synaptique, l’acétylcholine est stockée dans des vésicules.
Après sa libération dans la fente synaptique et l’activation de son récepteur, l’acétylcholine est décomposée en acétate et en choline.
Ces derniers sont captés par leurs transporteurs respectifs et retournent dans la terminaison pré-synaptique où ils servent de nouveau à la synthèse d’acétylcholine.
Le récepteur de l’acétylcholine est également capable de lier la nicotine, molécule étrangère à l’organisme volontairement absorbée. Dans ce cas, il porte alors le nom de récepteur nicotinique de l’acétylcholine (nAChR). Cela permet de le distinguer d’autres types de récepteurs de l’acétylcholine qui sont insensibles à la nicotine.
Ce récepteur est composé de 5 sous-unités qui s’ordonnent symétriquement autour d’un canal laissant passer des ions sodium (Na+). Les sous-unités dont les deux principales sont nommées α et β existent chacune sous plusieurs formes. Elles s’assemblent en combinaisons variables selon les zones du cerveau (voir aussi VIDEO : Les effets de la nicotine sur le cerveau).
L’activation du récepteur nAChR par fixation de l’acétylcholine entraîne l’ouverture du canal qui laisse alors entrer les ions Na+ dans la cellule. L’entrée d’ions positifs dans le neurone provoque la production d’un potentiel d’action.
Les neurones cholinergiques, qui utilisent l’acétylcholine comme neurotransmetteur, se concentrent dans un nombre restreint de régions du cerveau mais ils ont de nombreuses projections vers le thalamus, l’hypothalamus et l’aire tegmentale ventrale.
Ils comprennent également des neurones de la base du cerveau antérieur qui innervent le cortex cérébral et l’hippocampe, ainsi que des interneurones du striatum (noyau Accumbens).
Dans le cerveau, la transmission cholinergique modifie l’excitabilité des neurones en altérant la libération des neurotransmetteurs depuis la terminaison pré-synaptique et en coordonnant l’excitation de groupes de neurones.
L’acétylcholine joue un rôle de modulateur.
Dans le système nerveux central les récepteurs nicotiniques de l'acétylcholine interviennent dans de nombreux processus comme le contrôle des mouvements, le cycle sommeil/éveil, l’anxiété, la douleur, l’attention et la mémoire.
Nicotine
Les neurones cholinergiques projetant vers l’aire tegmentale ventrale sont connectés aux neurones dopaminergiques qui portent des nAChR.
La nicotine agit sur ces récepteurs, active les neurones dopaminergiques et augmente de manière forte et prolongée la libération de dopamine. C’est le mécanisme principal par lequel la nicotine est puissamment addictive.
L’action directe de la nicotine est renforcée par des effets indirects puisqu’elle peut aussi stimuler d’autres neurones (glutamatergiques) qui eux-mêmes activent les neurones dopaminergiques (voir dossier Neurotransmetteurs et substances psychoactives 3 : Glutamate).
L’importance du récepteur nAChR dans l’addiction à la nicotine est soulignée par le fait que certains variants des gènes qui codent pour ces récepteurs rendent le risque d’addiction à la nicotine encore plus élevé chez les sujets qui en sont porteurs. En effet, cette variation génétique rend leurs récepteurs nACHR plus sensibles que la moyenne. Les mêmes variants sont aussi associés à un risque plus grand de cancer du poumon qui est la principale conséquence à long terme du tabagisme.
Alcool
L’alcool a une action différente selon la composition en sous-unités des récepteurs à l’acétylcholine. Il active ceux composés des sous-unités α4 et β2, qui sont particulièrement sensibles à la nicotine, et inhibe ceux composés uniquement de sous-unités α7, peu sensibles à la nicotine, ce qui pourraient expliquer les relations croisées entre alcool et tabac (voir article Boire et fumer ou fumer et boire, lequel entraîne l’autre ?).
Opiacés
Les opioïdes se liant aux récepteurs opiacés mu et delta réduisent la libération d’acétylcholine.
THC
Des travaux suggèrent que le cannabis pourrait inhiber l’activité des récepteurs nAChr mais on ne sait si cela serait dû au THC ou à une autre cannabinoïde présent dans la plante. De plus les observations effectuées in vitro utilisaient des doses importantes, peu en rapport avec celles atteintes chez l’homme.
Cocaïne
Les neurones cholinergiques et les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine jouent un rôle important dans les régions impliquées dans les actions de la cocaïne et l’addiction à cette drogue. A ce titre les études comportementales montrent l’implication de l’acétylcholine dans les effets de la cocaïne et l’addiction. Les mécanismes moléculaires font l’objet d’études en cours.
Girault
Jean-Antoine Girault, MD, PhD, Directeur de recherches Inserm, Institut du Fer à Moulin, UMR-S1270 INSERM et Sorbonne Université
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm
Luxey
Mathilde Luxey est directrice artistique, graphiste et illustratrice scientifique.
C'est une ancienne étudiante du DSAA Design d’Illustration Scientifique de l’École Estienne.
Son site : https://www.mathildeluxey.fr/