Du langage courant à la terminologie médicale, voici quelques éclaircissements des symptômes et troubles mentaux associés
Dans le langage courant la signification des termes scientifiques ou médicaux déborde parfois celle, précise, qui prévaut chez les professionnels. En matière de neurosciences la dérive porte particulièrement sur les mots obsession, compulsion, addiction, disruption. Revenons donc à la source.
Le mot obsession vient du latin « obsessio » qui signifie « action d’assiéger ». Utilisé dans son sens guerrier au XVème siècle, c’est le psychiatre J.E. Esquirol qui lui donne en 1838 son sens psychiatrique actuel.
L’obsession est une pensée, un doute, une crainte, une image ou une situation qui envahit l’esprit de manière permanente ou récurrente. L’obsession peut concerner l’ordre, la symétrie, la propreté, la sécurité, la crainte de faire une erreur, d’agresser quelqu’un, d’être contaminé …… En général, la personne tente de résister à cet envahissement mais cela se révèle quasi impossible. Ces intrusions dans l’esprit génèrent des sensations pénibles et souvent angoissantes, ainsi qu’une altération de la qualité de vie. La personne souffrant d’obsession est plus ou moins consciente que le trouble vient d’elle et qu’il n’a aucun rapport avec la réalité.
Le mot compulsion vient du latin « compulsio » qui signifie « contrainte ».
La compulsion est une contrainte intérieure répétée, accompagnée d'une angoisse plus ou moins consciente, qui pousse l'individu à accomplir un acte. Cet acte est en grande partie involontaire et il est difficile de s’y opposer, l’individu n’ayant plus le contrôle. Il est souvent en rapport avec l’obsession : lavement des mains répété lorsque l’obsession concerne le risque de contamination, vérification de la fermeture à clef d’une porte en cas d’obsession de sécurité, rangement des objets au millimètre toujours à la même place etc…. L’acte peut aussi être purement mental comme la répétition d’une phrase en silence.
Lorsque obsession et compulsion sont enchaînées l’une à l’autre, que la compulsion est une réponse à l’obsession, il s’agit d’un trouble obsessionnel compulsif (TOC). Environ la moitié des personnes souffrant de TOC ont une pathologie psychiatrique associée, le plus souvent un syndrome anxieux ou une dépression sévère. La consommation d’alcool abusive ou addictive est souvent présente.
Dans le trouble obsessionnel compulsif, la compulsion n’est jamais plaisante. L’acte effectué n’apporte aucune satisfaction. Cela la différencie de la compulsion survenant dans les troubles addictifs où l’acte en réponse au besoin urgent procure toujours un plaisir immédiat, comme la consommation de substances psychoactives par exemple, ou jouer de l’argent.
Le mot addiction vient du latin « addictus » dont la traduction est « dit à », dans le sens d’attribuer quelque chose à quelqu’un. Le verbe correspondant à « addictus » est « addicere ». Dans les tribunaux romains il signifiait être « esclave pour dette », condamnation qui impliquait que le corps de l’accusé était mis à disposition du plaignant par le juge, comme garant d’une dette impayée. Le mot a pris un sens figuré en matière médicale et neuroscientifique : une personne addicte à une substance ou un comportement en est devenue esclave. Cela a été bien formulé par P. Fouquet, médecin qui a défini l’alcoolisme comme « la perte de liberté de s’abstenir de boire ».
Les critères de l’addiction (voir article « L’addiction c’est quoi ») associent principalement :
L’addiction est donc un trouble mental qui génère de la souffrance.
Le mot « disruption » vient du latin « disruptionem » et signifie "rupture", "fracture". C’est l’adjectif correspondant, « disruptif », qui est largement utilisé dans les médias depuis quelques années.
En psychiatrie, les troubles disruptifs englobent les troubles du contrôle des impulsions et les troubles de la conduite engendrant des comportements qui violent les droits d'autrui (agression, destruction de biens, etc) et/ou qui amènent la personne à entrer en conflit avec les normes de la société ou les figures d'autorité. Les difficultés d'autocontrôle des émotions et des comportements peuvent varier considérablement d'un trouble et d’un individu à l'autre. Une émotion mal maîtrisée comme la colère peut aboutir à l'agressivité et/ou la violence envers autrui ; il s’agira alors d’un trouble de la conduite. Si la colère est sous forme d’accès explosifs, disproportionnés par rapport à la provocation initiale, mais sans atteinte à autrui, il s’agira d’un trouble de contrôle des impulsions. Le trouble oppositionnel avec provocation, quant à lui, combine de manière relativement équilibrée les difficultés de contrôle des émotions, la colère et l’irritabilité, et celles du comportement, l’argumentation et la défiance.
Si les symptômes définis ci-dessus caractérisent certaines pathologies mentales bien définies, ils peuvent aussi se retrouver dans plusieurs troubles. Par exemple, le craving, critère majeur de l’addiction, est une forme d’obsession puisque la pensée est à ce moment focalisée sur le besoin et l’envie par exemple de consommer ou de jouer de l’argent. Il en est de même pour la compulsion, consommation ou comportement frénétique qui permet d’assouvir le craving (voir article Le craving, symptôme de l’addiction). Par ailleurs, ce qui est transversal à tous ces troubles est la difficulté, voire l’incapacité, à contrôler les impulsions et les émotions (voir aussi l'article Impulsivité et addiction).
Le mélange entre ces différents troubles n’est pas très étonnant lorsqu’on examine les zones et les circuits neuronaux impliqués dans chacun d’entre eux.
Les données obtenues par IRM fonctionnelle (technique d’imagerie cérébrale mesurant in vivo l’activité des aires du cerveau en détectant les changements locaux de flux sanguin) ont permis de déterminer les zones principalement impliquées :
Les zones cérébrales impliquées soit se chevauchent soit sont très proches et ont des réseaux de neurones communs. Ce qui n’est pas encore compris aujourd’hui est comment le dysfonctionnement de ces zones peut se traduire en des symptômes et des comportements différents.
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm