Addictions : sevrage mode d’emploi

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Addictions : sevrage mode d’emploi

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Si on prend des vacances pour rompre avec le train train quotidien, que se passe-t-il lorsqu’on arrête ses consommations de substances psychoactives ?

Publié le: 
26/07/2018

L’été est la période de détente. Si pour nombre de personnes, c’est la fête, le moment de se lâcher, ce qui est souvent associé à de fortes consommations de produits psychoactifs, pour d’autres, le plus souvent des consommateurs réguliers, c’est l’occasion de revitaliser son corps et son cerveau en faisant une pause de consommation. Examinons ce qui se passe pour certaines d’entre elles lorsqu’on les arrête. 
Le sevrage est défini comme l’arrêt complet ou partiel d’un produit psychoactif consommé de façon répétée et habituellement excessive. Il peut s’accompagner de signes physiques ou psychiques de gravité variable dont la survenue signe l’existence d’une dépendance au produit. Les symptômes de sevrage ne doivent pas être confondus avec ceux des éventuelles séquelles à long terme.

Alcool

L’alcool est un dépresseur de l’activité du cerveau. Il agit de deux façons : d’une part il augmente l’activité des récepteurs inhibiteurs de type GABA et, d’autre part, il diminue celle des récepteurs excitateurs de type NMDA. En cas d’exposition prolongée à l’alcool, le cerveau s’adapte pour tenter de continuer à fonctionner correctement, c’est le phénomène de tolérance. Le nombre de récepteurs GABA va diminuer, ainsi l’alcool aura moins de cibles sur lesquelles exercer son action inhibitrice. A l’inverse le nombre de récepteurs NMDA va augmenter pour que le neurotransmetteur excitateur, le glutamate, ait plus de champ d’action. L’arrêt brutal de consommation va bouleverser le nouvel équilibre établi : du fait du moindre nombre de récepteurs GABA, la capacité inhibitrice est réduite et, à l’inverse, la capacité excitatrice est majorée car les récepteurs NMDA sont plus nombreux qu’à l’état de base. La conséquence générale est une hyperactivité du système nerveux dont les manifestations principales vont être une agitation, des tremblements, une tachycardie (accélération du rythme cardiaque) et une augmentation de la tension artérielle. 
La sévérité des symptômes est fonction de deux facteurs : 

  • l’individu lui-même, certains étant plus sensibles au sevrage que d’autres pour des raisons qui ne sont pas encore comprises
  • la force de la dépendance à l’alcool qui est très liée à la fréquence de consommation et à la quantité consommée.

Les principaux signes surviennent dans les 24h après le dernier verre. Ce sont des sueurs nocturnes ou matinales et un discret tremblement des extrémités. La bouche est sèche et la soif inextinguible. Nausées, douleurs abdominales, diarrhée peuvent s’installer. Le sujet est en proie à l’agitation, à l’anxiété, à l’irritabilité et l’humeur est dépressive. Le sommeil est de mauvaise qualité et souvent envahi par des cauchemars. Ces symptômes durent en général 4 à 5 jours et disparaissent habituellement sans séquelles. En cas de dépendance sévère, la situation peut dégénérer, avec survenue de crises d’épilepsie, d’une désorientation dans le temps et dans l’espace, d’une confusion mentale, état qui nécessite une hospitalisation dans les meilleurs délais.

Cannabis

Le THC, principe psychoactif du cannabis, se lie au récepteur CB1 qui est normalement activé par les endocannabinoïdes naturellement présents dans le cerveau. L’activation des CB1 a pour conséquence de réduire transitoirement ou durablement la libération des neurotransmetteurs, qu’ils soient excitateurs ou inhibiteurs. Les réponses comportementales sont un mélange d’effet stimulateur et dépresseur. Contrairement aux endocannabinoïdes dont la durée d’action est brève, celle du THC va être beaucoup plus longue car tout le cerveau en est inondé. Pour minimiser l’impact du THC en cas de consommation régulière, la densité des récepteurs CB1 va diminuer. Aussi lors du sevrage, la capacité régulatrice des endocannabinoïdes sera réduite puisqu’ils auront moins de récepteurs sur lesquels se fixer. Des travaux d’imagerie menés sur des sujets consommateurs réguliers ont montré que la diminution de densité des récepteurs CB1 était corrélée à la durée d’intoxication, que plus la densité était faible plus le syndrome de sevrage était sévère mais que la densité revenait à la normale environ 4 semaines après l’arrêt.
Le syndrome de sevrage au cannabis apparaît en général 24 à 48h après l’arrêt d’une consommation régulière. Les symptômes les plus fréquents sont une irritabilité, une anxiété, une humeur dépressive, des troubles du sommeil, une perte d’appétit. Ils atteignent leur maximum au 4 ou 5ème jour de sevrage et diminuent progressivement en 2 à 3 semaines.

Cocaïne

La cocaïne augmente fortement la concentration de dopamine dans la fente synaptique en bloquant l’action du transporteur de la dopamine, protéine qui permet de re-capturer la dopamine et la réintégrer dans la synapse. La conséquence est une sur-stimulation des récepteurs à la dopamine. Des travaux chez l’animal ont montré que l’administration chronique de cocaïne d’une part conduit à des altérations de la plasticité synaptique et, d’autre part, à une tolérance du transporteur suite à la construction d’agglomérats qui le rendent moins accessible. Cette tolérance disparaît chez l’animal en l’espace de quelques jours. 
Les symptômes de sevrage ont été analysés sur plusieurs séries d’usagers. Ils incluent principalement humeur dépressive, anxiété, troubles du sommeil, fatigue, agitation psychomotrice, augmentation de l’appétit, difficulté à se concentrer. Leur apparition, leur intensité et leur persistance est fonction de la durée et de la fréquence d’usage de cocaïne. En général les symptômes disparaissent en quelques jours mais peuvent durer plusieurs semaines chez les usagers réguliers. Par ailleurs le craving, besoin compulsif de consommer détaillé dans l’article Le craving symptôme de l’addiction, s’exacerbe souvent dans les 2 premières semaines suivant l’arrêt.

MDMA

La MDMA agit via plusieurs mécanismes dont le principal est une stimulation intense des récepteurs à la sérotonine situés sur le neurone post-synaptique. Cela est dû à la libération massive de sérotonine dans la fente synaptique, conséquence de l’inhibition par la MDMA du transporteur de la sérotonine. Il a été montré qu’une seule prise de MDMA pouvait libérer environ 80% du stock de sérotonine disponible dans la synapse. En cas de prise répétée, d’une part la déplétion (diminution de la quantité) en sérotonine devient majeure et, d’autre part, elle s’accompagne de lésions des neurones sérotoninergiques. Ces deux facteurs participent au développement de la tolérance, phénomène expliqué dans l’article Tolérance et addiction. La fréquence de survenue de la tolérance a été évaluée à 59% dans une série de 466 jeunes adultes usagers d’ecstasy à raison de 2-3 fois par mois depuis environ 5 ans.
Après arrêt de la consommation, les stocks de sérotonine restent bas pendant plusieurs jours et les zones les plus touchées sont le striatum et l’hippocampe. Les symptômes vont principalement comprendre fatigue, troubles du sommeil, état de malaise et/ou d’insatisfaction, incapacité à éprouver des sensations positives, troubles de la mémoire. Des épisodes de bruxisme (grincement de dent) et de douleurs dentaires ont aussi été décrits. La durée de ces symptômes va dépendre des antécédents de consommation. Disparaissant en quelques jours chez les usagers occasionnels, ils peuvent persister de nombreuses semaines en cas d’usage fréquent.
Comme pour l’alcool, le cannabis, la cocaïne ou la MDMA, on peut envisager l’arrêt de la consommation de tabac comme on l’a vu dans l’article Le sevrage de la nicotine
Sans préjuger de ce qui se passera au retour des vacances, laisser le cerveau libre de toute substance psychoactive pendant cette période sera de toute façon bénéfique.

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
Une seule prise de MDMA peut vider 80% des stocks de sérotonine
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