Le sevrage de la nicotine

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Le sevrage de la nicotine

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De la même façon qu’ils étudient les effets de la nicotine sur le fonctionnement du cerveau, les scientifiques se sont penchés sur ce qui se passe lorsqu’on arrête d’en consommer. Avis aux fumeurs, voici pourquoi il est difficile (mais certainement pas impossible) d’arrêter de fumer.

Publié le: 
03/11/2017
Modifié le: 
18/10/2024
Les effets de l'arrêt du tabac

L’arrêt du tabac chez un fumeur régulier provoque un syndrome de sevrage bien caractérisé. Celui-ci comprend des manifestations physiques et psychiques.

Les signes physiques comprennent principalement un ralentissement du rythme cardiaque, un accroissement de l’appétit et des troubles digestifs à type de ballonnement et/ou constipation.Ces derniers vont durer un à 2 mois, temps nécessaire au tube digestif pour restaurer son fonctionnement naturel.

Les manifestations psychiques sont des troubles de l’humeur qui vont comprendre à des degrés variés, déprime, anxiété, irritabilité, désintérêt. S’y ajoutent des troubles cognitifs et enfin le « craving », envie pulsionnelle de fumer.

Les manifestations physiques sont certes désagréables toutefois elles sont rarement mises en avant comme motif de rupture de l’arrêt et reprise du tabac. Ce sont les effets négatifs sur le psychisme qui sont le moteur principal de la rechute. Ceux-ci peuvent apparaître dans les 4 à 6 heures après la dernière cigarette chez les gros fumeurs, ils vont atteindre leur pic dans les 3-4 jours suivants et persistent pendant plusieurs semaines. Leur fréquence et leur intensité diminue toutefois avec le temps.

Troubles cognitifs

Les principaux troubles cognitifs sont de trois ordres.

Le premier concerne l’attention : nombreux sont les fumeurs rapportant des difficultés à se concentrer dans la période initiale de sevrage. Toutefois aucun élément ne permet d’associer cet effet négatif à la capacité à s’arrêter de fumer.

La mémoire de travail (= à court terme) est impactée par le sevrage : lors de tests, cela se traduit par des erreurs de réponses et un temps de réaction plus long, surtout lorsque la masse de données à retenir est importante. Ces troubles peuvent desservir le maintien de l’abstinence car l’objectif poursuivi doit être maintenu en mémoire à tout instant pour contrer le craving. De fait des travaux ont montré que les déficits de la mémoire de travail étaient associés à la survenue d’une rechute.

Le contrôle de la réponse à un stimulus est le troisième volet cognitif altéré : à l’état naturel, la réponse passe sans obstacle, tout comme l’électricité passe lorsque l’interrupteur est fermé. Empêcher la réponse de passer, la stopper, impose un effort et c’est cette capacité qui est altérée lors du sevrage tabagique alors qu’il faut qu’elle soit intacte pour dire non à l’appel de la cigarette.

Fonctionnement des neurones

Les conséquences désagréables du sevrage sont le fruit des adaptations que le cerveau a mis en place pour fonctionner sous perfusion de nicotine. Pour cela le cerveau a multiplié la densité des récepteurs à l’acétylcholine auxquels se lie la nicotine et a adapté ses circuits de fonctionnement. A l’arrêt du tabac, ces récepteurs réclament d’être approvisionnés en nicotine, participant ainsi au craving, et le manifestent bruyamment jusqu’à ce que le cerveau réapprenne à fonctionner sans nicotine. On connaît mal aujourd’hui comment les circuits de neurones seront reconfigurés.

Des facteurs génétiques

La sévérité du syndrome de sevrage varie d’une personne à l’autre. Elle est largement conditionnée par l’intensité de la dépendance au tabac : plus la dépendance est forte plus l’anxiété, l’anhédonie (incapacité à ressentir des émotions positives) et l’intensité des émotions négatives seront puissantes : bref, c’est la déprime.  

Mais des travaux suggèrent qu’il existe aussi une composante génétique qui expliquerait entre 25 et 50% de l’intensité du sevrage.

Plusieurs gènes ont été étudiés et beaucoup d’entre eux sont les mêmes que ceux identifiés comme favorisant la survenue de la dépendance. Parmi ceux-ci, le gène qui code pour l’enzyme P450 2A6 responsable du métabolisme de la nicotine, possède de nombreux variants dont certains sont associés à un ralentissement et d’autres à une accélération du métabolisme de la nicotine. Les personnes porteuses du variant « ralentisseur » consommeraient moins de nicotine et risqueraient  moins de développer une dépendance alors que ceux possédant le variant « accélérateur » consommeraient plus et auraient des manifestations de sevrage plus sévères.

Une autre série de gènes concernés sont ceux qui codent pour certaines sous-unités constitutives du récepteur auquel se lie la nicotine. Certains variants de ces gènes sont associés à la survenue de la dépendance mais aussi à la vulnérabilité à développer des maladies liées au tabac comme la bronchite chronique obstructive ou le cancer du poumon. L’ensemble de ces résultats doivent toutefois être confirmés par des études de grande dimension.

Une solution ?

Les outils thérapeutiques d’aide à l’arrêt du tabac chez les jeunes consistent en des interventions de soutien motivationnel, de conseils et d’entraînements pour éviter les situations à risque et/ou savoir s’en défaire. Des médicaments dont l’efficacité a été démontrée par de nombreux essais cliniques peuvent également aider au sevrage. Ce sont, entre autres, la varénicline, le bupropion et les substituts nicotiniques.

La pratique du sport est un atout pour maintenir le sevrage.

Arrêter de fumer définitivement nécessite une attention de longue haleine car les rechutes sont fréquentes. Une étude récente menée chez des jeunes a montré que parmi ceux ayant arrêté de fumer pendant au moins 6 mois, la moitié ont repris le tabac dans les 6 années qui ont suivi, ce qui veut dire aussi que l’autre moitié non. La grande majorité des rechutes survenait dans la première année. Autant l’installation de la dépendance à la nicotine est rapide et facile, autant s’en défaire nécessite beaucoup de temps et d’effort. 

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
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