Si la consommation d'alcool perturbe la qualité du sommeil, elle a aussi un effet direct sur les muscles des voies respiratoires...
Après une soirée arrosée, le cycle du sommeil est perturbé en raison de l’action de l’alcool sur l’activité du réseau de neurones gérant l’éveil et l’endormissement (voir article Le sommeil sous alcool est-il réparateur ?). L’efficacité du sommeil est alors moindre et le consommateur se réveille fatigué. Mais il en est souvent autant de la personne partageant le lit du buveur qui, bien que restée sobre, aura eu son sommeil perturbé par des ronflements inhabituels.
Examinons par quels mécanismes l’alcool favorise le ronflement.
Pendant l'endormissement, les muscles du corps se relâchent progressivement et vont le rester durant le sommeil. Les muscles de la partie molle du palais (=voile du palais), de la luette qui y est attachée, et de la langue peuvent se détendre au point de bloquer partiellement le passage de l’air et de se mettre à vibrer provoquant ainsi le ronflement qui est amplifié par les cavités nasale et buccale jouant le rôle de caisses de résonance. Plus le passage est réduit, plus la pression de l’air augmente en amont, ce qui amplifie les vibrations des muscles et le volume sonore du ronflement.
La respiration émet un volume sonore de l’ordre de 20dB. Le ronflement varie entre 50 et 70 dB avec des pics à 90 dB. Il est admis qu’un son supérieur à 70 dB (bruit d’un aspirateur) est dérangeant pour la(le) partenaire de lit.
Les données disponibles estiment que 20 % des sujets adultes ronflent régulièrement, 30 % occasionnellement, et que plus de la moitié d'entre eux gêne le sommeil du conjoint. Les hommes sont plus fréquemment ronfleurs que les femmes.
La survenue du ronflement est favorisée par les conditions qui réduisent le passage de l’air dans les voies aériennes. Parmi celles-ci on relève :
L’alcool est un hypotenseur, il diminue le tonus musculaire. En conséquence, la consommation d’alcool avant le coucher majore la relaxation musculaire survenant naturellement pendant le sommeil. De plus, une étude récente a montré que l’alcool augmentait la résistance au passage nasal de l’air.
Un travail mené sur 20 volontaires, 10 habituellement ronfleurs et 10 non-ronfleurs a analysé en détail les conséquences de 3 alcoolémies différentes : 0 g/l, 0,5 g/l et 0,8 g/l. Le ronflement était défini par une respiration d’un volume sonore supérieur à 55 dB.
Elle est la conséquence du blocage total du passage d’air. La respiration s’arrête. Ces apnées peuvent durer de quelques secondes à quelques minutes. Le « réveil » du cerveau permet à la respiration de reprendre, suivie par un râle, un ronflement puissant ou un halètement. Dans la plupart des cas, ces réveils passent inaperçus au dormeur car ils n’entraînent pas de reprise de la conscience. Toutefois la répétition de ces « réveils » réduit la quantité et la qualité du sommeil. Les lendemains sont marqués par de la fatigue, mais aussi souvent par des troubles de l’humeur, de la mémoire et de la concentration.
En sus des effets sur la relaxation musculaire et la congestion nasale, l’alcool diminue la fréquence respiratoire, facteur favorisant la survenue d’apnées.
Une analyse des données publiées a montré que la fréquence de survenue des apnées du sommeil était multipliée par 2,3 après absorption d’une dose moyenne égale à 40 grammes d’alcool pur (4 verres) dans la soirée. Ces apnées entraînent une réduction significative mais modeste du taux d’oxygène dans le sang.
Un essai clinique sur la fréquence des apnées sous alcool a porté sur 6 sujets volontaires habituellement ronfleurs. Lors de la première nuit, une dose de vodka était administrée avant le coucher et enregistrement de leur sommeil. La deuxième nuit la vodka était remplacée par de l’eau. L’alcoolémie moyenne obtenue était égale à 0,72 g/l. La fréquence des apnées était de 7,5 par heure de sommeil la nuit avec alcool contre 3,8 la nuit avec eau. A noter qu’une fréquence supérieure à 5 est considérée comme nécessitant une prise en charge et un traitement.
Au total, l’alcool perturbe, de façon dose-dépendante, non seulement le sommeil du buveur mais aussi celui de son ou sa partenaire par les ronflements qu’il provoque. La survenue conjointe d’apnées du sommeil justifie un avis médical lorsqu’elles sont fréquentes.
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm