La toxicité spécifique du crack

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La toxicité spécifique du crack

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Si le mode de consommation de ce produit dérivé de la cocaïne en augmente les effets psychoactifs, il libère aussi un composé plus toxique pour le corps.

Publié le: 
31/10/2019

Le crack est un produit dérivé du chlorydrate de cocaïne, forme la plus courante sous laquelle la cocaïne circule dans les réseaux de distribution. Le crack, appelé également free base, est fabriqué soit en traitant le chlorydrate de cocaïne par l’ammoniaque et l’éther, soit en le chauffant en présence de bicarbonate de soude. Ces traitements diminuent la température de vaporisation à environ 96°C si bien que la cocaïne peut être fumée alors que ce n’est pas possible quand elle est sous forme de chlorhydrate, la température à atteindre étant alors trop élevée (198°C).

Le crack se présente sous forme de cailloux. En général il est fumé dans une pipe simple ou une pipe à eau souvent fabriquée par l’usager lui-même.

Les effets psychoactifs du crack et de la cocaïne, à court terme et lors des premières prises, sont similaires, caractérisés par une euphorie, une excitation physique et psychique intense, une sensation de toute puissance, une augmentation de la confiance en soi (voir aussi l’infographie Que devient la cocaïne dans l’organisme). 

Il existe par contre des différences dans la survenue et la durée de ces effets : le crack, qui est fumé, atteint le cerveau et déclenche les effets comportementaux en quelques secondes alors que cela prend 3 à 5 mn pour la cocaïne aspirée par voie nasale. Les effets sont plus violents du fait la quantité importante de cocaïne arrivant brutalement dans le cerveau. Leur durée est moindre, de 5 à 15 mn contre 30 à 60 mn pour la cocaïne, car le produit est éliminé plus rapidement. 

Ces caractéristiques rendent le crack beaucoup plus addictif que la cocaïne en poudre.

L’usage du crack est principalement répandu en Amérique du Nord, au Canada, au Brésil et dans certains quartiers des capitales européennes comme Paris. On ne dispose pas de chiffres précis du nombre d’utilisateurs. Toutefois une étude menée en 2014 à Brasilia a rapporté que dans cette ville 35% des usagers de drogues, environ 370000 personnes, déclaraient consommer du crack parmi d’autres produits. 

La plupart des études décrivent les consommateurs de crack comme des personnes jeunes, vivant dans les villes, et ayant un niveau socio-économique faible, beaucoup étant sans domicile fixe. On dispose de trop peu de données pour savoir si la précarité sociale est la cause ou la conséquence de la prise de crack.

Une étude a été menée en Europe sur des personnes s’étant présentées pour un motif lié à l’utilisation de la cocaïne ou du crack à un service faisant partie du Réseau européen des urgences dues aux drogues. Ce réseau regroupe 32 centres dans 21 pays. Entre octobre 2013 et décembre 2016, 2600 usagers de cocaïne et 376 de crack ont été admis pour des soins. Les 2/3 d’entre eux avaient consommé un autre produit, le plus souvent de l’alcool ou du cannabis en plus du produit motivant leur admission. 45% des usagers de crack consommaient aussi de l’héroïne contre 15% des usagers de cocaïne. 

Il est donc très difficile de déterminer les conséquences sur la santé du seul usage de crack chez les humains. Par exemple un travail récent portant sur 35 hommes hospitalisés pour sevrage de crack a montré qu'ils présentaient des déficits de l'attention, de l'apprentissage et de la mémoire et que ces altérations persistaient 4 semaines après l'arrêt complet du crack. Toutefois un quart des sujets étaient, avant l’hospitalisation, également consommateurs de cannabis et la moitié abusaient de l’alcool. 

La toxicité du crack repose en grande partie sur un métabolite de la cocaïne, le méthylecgonidine. Ce composé est formé uniquement par le chauffage de la cocaïne et est donc un marqueur biologique spécifique de la consommation de crack. De nombreux travaux menés chez l’animal ont démontré que le méthylecgonidine est particulièrement toxique. 

Des travaux menés chez des souris exposées à la fumée de crack ont montré une diminution de l’épaisseur du revêtement intérieur des bronches (= épithélium bronchique) et une augmentation de la vasoconstriction des artères pulmonaires, ce qui empêche le sang de circuler. L’aggravation d’un asthme sous-jacent ou le déclenchement d’une crise alors qu’il n’y avait pas d’antécédents est une complication fréquente de la consommation de crack. Les crises sont déclenchées par une bronchoconstriction due aux effets locaux irritants du crack. D’autres complications comme une bronchiolite oblitérante (inflammation et obstruction des extrémités des bronches), un pneumothorax (présence d’air entre la plèvre tapissant la cage thoracique et celle tapissant les poumons, ce qui provoque une rétraction du poumon) peuvent également survenir.

Tout comme la cocaïne, il diminue aussi la force de contraction du cœur provoquant une chute de la tension artérielle associée à une augmentation du rythme cardiaque. L’infarctus du cœur est une complication fréquente de la consommation de cocaïne. 

Par ailleurs, l’administration de méthylecgonidine à des souris conduit à des modifications de leur comportement et des troubles de la mémoire analogues à ceux de la schizophrénie. De fait, chez l’être humain, l’administration prolongée peut entraîner des complications psychiatriques comme des troubles psychotiques paranoïaques.

Le méthylecgonidine ajouté à des cellules en culture diminue leur viabilité et son effet est rapporté être plus puissant que celui de la cocaïne seule. Plusieurs travaux ont montré que cette toxicité est due, au moins en partie, à l’activation de certains récepteurs muscariniques, à ne pas confondre avec les récepteurs nicotiniques sur lesquels se lie aussi l'acétylcholine, neurotransmetteur qui a un rôle dans le système nerveux central (mémoire, apprentissage) et périphérique (activité musculaire et fonctions végétatives).

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
Le crack est un dérivé de la cocaïne préparé pour être fumé
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