4ème partie du dossier dédié aux recherches sur l'addiction aux écrans : trouble d'usage des réseaux sociaux
On compte plus de 3,8 milliards d’utilisateurs de réseaux sociaux. Comme la moitié du temps passé sur internet chaque jour, 3,7 heures en moyenne pour l’ensemble de la population mondiale, est consacrée à la messagerie et aux applications sociales (Facebook, Instagram etc.), l’existence d’une dérive vers un usage excessif de ces applications, voire une addiction, a été soulevée.
Un réseau social est, selon le dictionnaire Robert, un groupe de personnes liées par des goûts et des intérêts communs. Dans le monde virtuel un réseau social peut prendre de multiples formes. A partir d’une page maîtresse, celle de son profil, l’internaute peut partager des informations, des écrits, des photos, des vidéos, de la musique soit avec des personnes sélectionnées, formant un groupe privé dont les membres sont choisis par l’internaute maître, soit avec l’ensemble de la communauté branchée sur ce réseau, les données qu’il diffuse étant alors publiques.
Plusieurs réseaux sociaux virtuels existent. Le plus connu et le plus utilisé aujourd’hui est Facebook. Créé en 2004 et ouvert à tous depuis 2006, il revendique aujourd’hui plus de 2 milliards d’utilisateurs à travers le monde. Les autres réseaux les plus utilisés en France sont Instagram, Messenger, Whatsapp, Youtube, Snapchat et TikTok. Les 4 premiers réseaux cités appartiennent à la même firme, META, dont le propriétaire est Mark Zuckerberg. En 2021, la France comptait 33 millions d’utilisateurs de Facebook dont 70% des jeunes de 12 à 17 ans et 84% des 18-24 ans.
Les motifs de participation aux réseaux sociaux ont été largement analysés. Les principaux sont : le partage d’intérêt, le besoin d’appartenance à une communauté ayant une identité propre, le besoin d’augmenter sa visibilité sociale, la reconnaissance par les pairs.
Le maître mot d’un réseau social virtuel sur internet est l’exposition et l’exhibition de soi-même. La diffusion des données que l’on introduit dans le réseau peut être certes contrôlée mais il suffit d’une fausse manœuvre pour que le monde entier en profite. De plus, le piratage est une éventualité toujours possible, comme l’a expérimenté Facebook en 2019 avec plus de 500 millions de données personnelles volées. La réglementation récente permet de demander aux opérateurs l’effacement des informations mais le « cloud » est vaste et nul ne peut garantir que toutes les traces ont été définitivement supprimées.
Selon Data Report, la durée moyenne de temps de connexion à Facebook était en 2020 en France de 1,5 heure par jour et la majorité des utilisateurs (88 %) utilisent la plateforme pour rester en contact avec leurs amis et leur famille. Toutefois certain(e)s internautes y passent beaucoup plus de temps. Par exemple, une étude publiée en 2020 a été menée en France auprès de 679 utilisateurs de Facebook, d’âge moyen 26 ans. Si 51% des interrogés déclaraient passer au maximum une heure par jour sur Facebook, 12,4% se connectaient plus de 4 heures par jour. Là encore se pose la question de l’existence d’une addiction à Facebook.
Les mêmes questions se posent que pour Internet ou les smartphones (voir 1ère partie du dossier Addiction aux écrans : de quels usages parle-t-on ?). Des auteurs ont suggéré l’existence d’une addiction à Facebook qui reposerait sur 6 critères proches de ceux des addictions aux substances :
Toutefois, aucune base neurobiologique et aucune imagerie d’un dysfonctionnement du circuit de récompense n’a à ce jour été démontré.
L’outil le plus utilisé est le Bergen Facebook Addiction Scale (BFAS). Ce questionnaire, non validé par la communauté scientifique internationale, comporte 6 items dérivés des critères d’addiction aux substances ou aux comportements. Les items sont cotés sur une échelle de 5 points allant de « très rarement » à « très souvent ». Le score varie de 5 à 30. Il est disponible sur le site AddictAIDE.
La prévalence d’utilisation problématique de Facebook n’a pas fait l’objet de nombreuses études à ce jour. Elle a été évaluée en Allemagne à 4,5% en 2015 sur un échantillon de 185 étudiants et en France la même année à 4 % sur un échantillon de 822 jeunes adultes. Selon plusieurs études ce trouble d’usage semble concerner préférentiellement les personnes de sexe féminin.
// Lire la suite du dossier Addiction aux écrans : Les troubles liés à l'usage excessif du numérique //
Nalpas
MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm