Derniers chiffres de consommation de substances psychoactives chez les jeunes : ce qui a changé depuis la mise au point de 2017 (voir Les jeunes et l’addiction en chiffres)
Au cours de votre scolarité, vous avez peut-être été amené à répondre à l’enquête EnCLASS qui se déroule en collèges et en lycées. Si vous y avez échappé, vous avez peut-être eu droit à ESCAPAD, une enquête réalisée lors de la journée défense et citoyenneté ou au Baromètre de Santé publique France qui est une enquête téléphonique menée auprès de l’ensemble de la population française. Voici les résultats de ces dernières études menées en 2017 et 2018 concernant la consommation de substances psychoactives, terme également utilisé pour désigner les drogues qu’elles soient licites ou illicites.
En France, à l’image de ce qui est observé dans la population adulte, l’alcool est de loin le produit psychoactif le plus consommé par les jeunes : 86 % des jeunes de 17 ans et 91 % des 18-25 ans en ont déjà bu au cours de leur vie. C’est aussi celui qui est expérimenté le plus jeune : la moitié des jeunes de 13 ans y ont déjà goûté, ce qui est davantage que dans les autres pays européens.
Ces premières consommations d’alcool ont lieu le plus souvent dans un cadre familial. Mais, dès le lycée, les jeunes se mettent surtout à boire entre amis, sans que des adultes soient forcément présents. Les garçons ont tendance à commencer à boire de l’alcool un peu plus tôt que les filles et, dès le lycée, ils sont deux fois plus nombreux qu’elles à en boire régulièrement (au moins 10 usages durant les 30 derniers jours).
A l’heure actuelle, les adolescents expérimentent l’alcool et l’ivresse plus tardivement que leurs aînés. Au cours des deux dernières décennies, leurs consommations d’alcool sont devenues un peu moins fréquentes, mais ponctuellement importantes, rapides et centrées sur la recherche de l’ivresse : on parle d’alcoolisation ponctuelle importante lorsque la quantité dépasse 5 verres ou de « binge drinking » lorsque l'alcoolémie dépasse 0.8g/l en moins de deux heures (voir article Le binge drinking du point de vue scientifique)
Principalement consommé sous forme de cigarettes, le tabac est la seule drogue à être fumée quotidiennement par un grand nombre de jeunes : alors que six jeunes de 17 ans sur dix l’ont déjà expérimenté, un quart d’entre eux disent en fumer tous les jours.
Les premières expérimentations du tabac ont lieu tout au long des années de collège et de lycée : 14 % des jeunes ont déjà fumé une cigarette à l’âge de 13 ans et 33 % l’ont déjà fait à l’âge de 15 ans. Ces niveaux de consommation sont un peu plus élevés que la moyenne des adolescents européens. Le tabagisme quotidien, lui, est très rare au collège et ne commence à s’observer qu’au début du lycée.
Environ un tiers des jeunes de 18 à 25 ans fument tous les jours.
Comme chez les adultes, le tabac est l’un des seuls produits qui soit autant consommé par les filles que par les garçons. Cela s’explique par les stratégies marketing adoptées par l’industrie du tabac dans la seconde moitié du 20e siècle, ciblant le public féminin avec des emballages et produits spécifiques comme par exemple les cigarettes « light » ou « menthol », ces dernières étant désormais interdites (voir article La fin des cigarettes mentholées).
Le nombre d’adolescents ou de jeunes adultes qui fument des cigarettes a fortement diminué ces dernières années. Par exemple, le pourcentage de jeunes de 17 ans fumant tous les jours a baissé de 7,4 points entre 2014 et 2017. Parallèlement à cette baisse, de nouveaux produits contenant de la nicotine se sont diffusés depuis quelques années, à commencer par la cigarette électronique (e-cigarette) : plus de la moitié des jeunes de 17 ans l’ont déjà essayée, bien que seuls 2 % l’utilisent tous les jours.
La moitié des jeunes de 17 ans ont également déjà fumé la chicha. Bien qu’il s’agisse principalement de simples expérimentations ou d’usages occasionnels, les jeunes ont tendance à sous-estimer sa nocivité (voir article La chicha, c’est comme la cigarette ?).
Généralement consommé sous forme d’herbe (la « weed ») ou de résine (le « shit »), le cannabis est la substance psychoactive illicite la plus consommée par les jeunes en France : à 17 ans, quatre jeunes sur dix y ont déjà goûté et 3 % en fument tous les jours. Parmi les jeunes de 18 à 25 ans, 53 % y ont déjà goûté et 5 % en ont un usage quotidien.
Il est généralement expérimenté plus tard que l’alcool et le tabac : quasiment inexistant à l’âge de 13 ans, les jeunes de 15 ans sont 16,5 % à en avoir déjà consommé, soit un peu plus que la moyenne européenne. Les filles sont un peu moins nombreuses que les garçons à essayer le cannabis ou en consommer plusieurs fois par mois.
Depuis le milieu des années 2000, le nombre d’adolescents ayant déjà fumé du cannabis a diminué. Sur cette même période, la teneur en tétrahydrocannabinol (THC) du cannabis circulant en France a augmenté (particulièrement celle de la résine), du fait de changements dans la façon dont il est produit. On a également constaté l’émergence des cannabinoïdes de synthèse, qui sont des substances chimiques qui imitent les effets du cannabis. Ces cannabinoïdes de synthèse sont le plus souvent vendus sur internet et sont beaucoup plus puissants et dangereux pour la santé que le cannabis (voir article Ces produits qui imitent le cannabis : les cannabinoïdes de synthèse).
Les expérimentations d’autres produits illicites sont plus rares et démarrent plus tard encore. Parmi les drogues autres que le cannabis, les plus courantes sont l’ecstasy (MDMA), la cocaïne et les champignons hallucinogènes, chacune expérimentée par environ 3 % des jeunes de 17 ans et par 5 à 7 % des 18-25 ans. Viennent ensuite, plus rarement, les amphétamines, le LSD, l’héroïne et le crack. Ces produits sont très liés aux univers festifs qui constituent un contexte privilégié d’initiation pour les jeunes. Ainsi l’ecstasy, pourtant en recul dans les années 2000, connaît une résurgence depuis 2010 sous des formes renouvelées : poudre, cristaux ou comprimés plus gros et plus dosés, susceptibles de présenter de nouveaux risques parfois sous-évalués par les consommateurs.
Sans être illégales à proprement parler, certaines substances sont parfois détournées de leur usage principal pour leurs propriétés psychoactives. C’est le cas de certains médicaments contre la douleur ou le stress, mais aussi de produits à inhaler comme le poppers (dont l’expérimentation, en augmentation, concerne 9 % des jeunes de 17 ans et 14 % des 18-25 ans) ou le protoxyde d’azote (voir article Le protoxyde d’azote en consommation récréative).
Certaines activités comme les jeux d’argent et de hasard ou les jeux vidéo sont susceptibles de générer des problèmes de dépendance semblables à la consommation de substances psychoactives. Contrairement à ces dernières, qui sont généralement néfastes pour l’organisme y compris à faible dose, ces activités sont souvent anodines pour la majorité des jeunes, mais peuvent rendre dépendants une petite partie d’entre eux. Par exemple, un jeune de 17 ans sur dix joue au moins une fois par semaine à des jeux d’argent et de hasard et parmi ces joueurs, 3 % semblent déjà installés dans une pratique excessive, estimée en leur posant une série de questions sur leurs habitudes de jeu.
Les jeux vidéo semblent surtout poser des problèmes aux adolescents lorsqu’ils jouent seuls ou lorsqu’ils jouent sur internet : un lycéen sur six estime passer trop de temps à jouer en ligne et un sur douze déclare devenir de mauvaise humeur lorsqu’il ne peut pas le faire. Ces problèmes concernent davantage les garçons.
De manière générale, plus l’expérimentation d’un produit se fait tôt dans l’adolescence, plus le risque augmente de perdre plus tard le contrôle de sa consommation et devenir dépendant.
Les jeunes sont loin d’être tous égaux face aux consommations de substances et autres conduites addictives, qui peuvent varier selon leurs conditions de vie, leur histoire ou leur environnement social. Les jeunes ont de plus grandes chances de consommer un produit s’ils côtoient des personnes qui en consomment souvent, dans leur cercle familial, amical ou professionnel. Pour le tabac et l’alcool tout comme pour le cannabis, les jeunes de 17 ans qui sont en apprentissage et ceux qui sont sortis du système scolaire ont davantage tendance à expérimenter et à consommer régulièrement que les lycéens.
Enfin, les jeunes qui habitent dans des grandes villes sont moins nombreux à fumer des cigarettes et à boire de l’alcool que ceux qui habitent dans des petites villes ou à la campagne. De plus, parmi ceux qui consomment ces produits, les jeunes qui vivent dans des grandes villes ont tendance à le faire en moins grande quantité.
Philippon
Chargé d’études statistiques à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies
Andreani
Isabelle Andreani est autrice réalisatrice de projets de création numérique et immersive.
Consultante spécialisée dans les nouveaux médias, elle a construit sa carrière autour d'Internet et du numérique.
Elle a une double formation d'ingénieur-chercheur en Physique - INPG / UJF de Grenoble - et de management en nouvelles technologies - Master HEC / Telecom Paristech.